Cinq peines de prison ferme et deux relaxes requises par le procureur de la République Mohamed Abdou, samedi 19 juin, au tribunal de Moroni, lors d’une audience relative à l’affaire des sept militants du Front Commun des Forces Vives, accusés de manifestation non autorisée, troubles à l’ordre public et tentative de déstabilisation.
La peine la plus sévère est pour l’opposant et professeur d’université, Youssouf Said Soilihi, envers qui le procureur requiert deux ans fermes.
Il avait été arrêté le 8 janvier 2021 puis relâché après quelques jours, pour s’être réuni une dizaine de minutes devant l’aéroport de Hahaya.
Pourtant, ce rassemblement d’une trentaine de personnes s’est déroulé sans la moindre casse, aucune perturbation n’a eu lieu, ils ont même pris le soin de se mettre aux abords de la route pour ne pas entraver la circulation.
Leur seul tort est d’avoir exprimé leur insatisfaction au sujet de la manière dont est dirigé leur pays. Pour cette simple contestation de la politique gouvernementale, qui dans n’importe quel pays démocratique, serait considérée comme une chose en somme toute normale, vaut deux ans d’emprisonnement ferme dans les Comores du régime d’Azali Assoumani.
Quant au fameux Abdallah Abdou Hassani Alias Agwa, deux ans dont un ferme sont réclamés et 12 mois dont 6 avec sursis pour Sabikia Ahmed Mze, Zainaba Ahamada et Toihir Minihadji. La relaxe est demandée pour Zainou Hamada et Mariama Said Mouigni.
Trois des accusés sont retournés en prison, à la demande du juge, il s’agit d’Abdallah Agwa, Zainou et Toihir Minihadj. Tous devront revenir au tribunal le lundi 21 juin pour le verdict.
Selon les avocats, aucun des accusés n’a participé à une manifestation, ils doivent tous bénéficier d’une relaxe pure et simple, car ils ne peuvent être jugés pour un crime qu’ils n’ont pas commis, « l’infraction n’est pas constituée » . Maitre Fahardine Mohamed cite l’exemple d’Abdallah Agwa arrêté la veille de la prétendue manifestation.
L’avocat de ce dernier, Maître Gérard souligne le caractère illégal de l’arrestation de son client, puisqu’elle a été effectuée par les militaires du GSHP, qui ne sont pas des officiers de police judiciaire. Il est vrai que l’on a du mal à comprendre pourquoi ce n’est ni la gendarmerie, ni la police, mais des éléments de l’armée, chargés d’assurer la protection des hautes personnalités, qui ont procédé à l’arrestation musclée d’Abdallah Agwa.
Comment le procureur peut exiger que les citoyens respectent les lois, si le parquet est le premier à les bafouer et mépriser les procédures les plus élémentaires.
Maître Saïd Issa, avocat de Sabikia Ahmed Mze, a rappelé que la liberté d’expression est inscrite dans toutes les constitutions de l’histoire de notre pays et qu’en tant qu’enseignante et mère de famille, sa cliente est loin d’avoir le profil d’une personne qui causerait des troubles à l’ordre public.
Ce procès est une énième preuve de la confusion qui règne dans l’esprit de certains autour de la notion de déstabilisation de l’Etat. Dans un pays qui se veut démocratique, l’opposition a le droit et même le devoir de déstabiliser le gouvernement en place. C’est l’État qu’elle n’a pas le droit de déstabiliser.
C’est cette nuance que semble ne pas comprendre les partisans du pouvoir actuel et certains de leurs sympathisants dans le système judiciaire et sécuritaire. Le gouvernement et l’Etat sont deux choses différentes. Un opposant n’est pas là pour faciliter la tâche au gouvernement et lui donner les coudées franches, mais plutôt pour lui rendre la vie difficile et tout faire pour le remplacer par les voies démocratiques et légales.
Dans une démocratie l’opposition a le droit de faire tomber un gouvernement par des voies légales et démocratiques.
Jusqu’à preuve du contraire manifester est un moyen démocratique et légal de faire de la politique.
La constitution accorde aux comoriens le droit de manifester. Quand un gouvernement refuse de manière systématique aux opposants un droit constitutionnel, c’est lui qui se met hors la loi et non l’opposition.
Azali Assoumani n’est pas l’Etat comorien, tout comme Ikililou Dhoinine et Sambi ne le sont pas. Tous ne sont que des politiciens, censés être des serviteurs de l’Etat et non l’Etat lui-même.
Quant à l’argument selon lequel l’opposition n’a qu’à attendre les prochaines élections présidentielles, il ne tient pas, puisque le politicien Azali Assoumani, lui-même, n’a pas attendu la fin de son mandat en 2021 mais a changé la constitution pour rester plus longtemps au pouvoir.
Si le politicien Azali peut user de moyens « légaux et constitutionnels », selon ses partisans, pour prolonger son séjour à Beit Salam, au nom de quoi les politiciens de l’opposition ne pourraient pas user de moyens légaux et constitutionnels pour écourter la présidence d’Azali?
Tout cela n’est que le cours normal d’une démocratie, le judiciaire et les services de sécurité du pays n’ont pas vocation à être instrumentalisés pour favoriser un parti politique contre les autres.
Mohamed Moussa Al Comorya – Ne pas copier. Toute reproduction interdite –
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