
Ces derniers temps, l’île d’Anjouan est le théâtre d’incidents sporadiques sans forcément de lien de corrélation, mais qui pris dans leur ensemble, contribuent à ce que la situation s’apparente à un conflit de basse intensité.
Dernier en date, dans la nuit de samedi à dimanche, un véhicule a été endommagé par les flammes à l’aéroport de Wani, à Anjouan. Selon les premiers éléments de l’enquête, c’est un incendie d’origine criminelle. La ou les personnes qui ont mis le feu, ironie du sort, à un camion de pompiers, auraient également tenté de s’en prendre au salon VIP et l’incendier mais sans succès.
Ce type d’incendies volontaires, ne datent pas d’aujourd’hui. Si seuls les enquêtes peuvent déterminer leur caractère politique ou pas, on note néanmoins qu’au mois de décembre 2020, plusieurs personnalités anjouanaises soutenant le régime, ont été pris pour cibles, à leur domicile ou leur lieu de travail, avec le même modus operandi.
Dans la nuit du 8 au 9 décembre à Shitsugini dans la ville de Wani, la voiture d’Abdallah Mohamed a été incendiée. Ce monsieur n’est autre qu’un ami de longue date d’Azali qui l’avait désigné pour remplacer Salami à la tête du gouvernorat d’Anjouan.
Le lendemain dans la nuit du 9 au 10 c’est le véhicule du Maire de Mutsamudu, Bouchrane Zarouki, qui aurait subi une tentative d’incendie.
Le ministère des postes et télécommunications à Moroni, dirigé par le mutsamudien Ahmed Jaffar,a également été visé à cette période.
Hier, un militaire a été poignardé vers Misiri dans le chef-lieu de l’île, Mustamudu. L’assaillant s’est échappé et le soldat blessé a été transporté à l’hôpital de Hombo. Il s’agirait de représailles. L’auteur des faits aurait été victime de violences et tortures de la part des militaires du camp de Sangani.
Lorsqu’il a croisé l’un des ses bourreaux présumés, il a pris sa revanche en l’attaquant avec un coupe-coupe. Il semble que la population est lassée par les arrestations arbitraires, les bavures policières et militaires à répétition et l’impunité qui les accompagne.
La situation a atteint un point d’ébullition, face aux violations des droits de l’Homme qui se multiplient sur l’île triangulaire. Le meurtre du Major Hakim Bapale dans le camp militaire de Sangani, n’est que le point culminant de ces dérives.
C’est comme si les Forces de l’Ordre et de Défense avaient reçu un blanc-seing, dans leur mission de réprimer toute velléité de contestations politiques, du maintien au pouvoir d’Azali Assoumani, au delà du 26 Mai 2021.
Pourtant, cette atmosphère irrespirable dépasse largement le cadre politique. Pour une banale histoire de couvre-feu, le jeune Houssam, 25 ans, a été roué de coups, écrasé sous les bottes, au point qu’il a désormais le ventre perforé et les médecins ont dû lui poser des sondes.
On ne compte plus les cas de citoyens tabassés par ceux qui sont censés représenter la loi. Les autorités comprennent-elles qu’un peuple ne peut se résoudre à se faire malmener par ceux qui sont payés par l’argent public pour le protéger?
N’oublions pas que c’est grâce à l’argent du contribuable, les droits de douane, les taxes et impôts des citoyens, que sont payés les maigres salaires des hommes en uniformes.
La loi qui définit les missions de l’Armée comorienne cite parmi celles-ci » la Défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation, ainsi que la sauvegarde de la population ».
En aucun moment, elle ne dit que le rôle des militaires est de défendre le gouvernement, les intérêts personnels d’un politicien ou d’aider un parti à se maintenir au pouvoir au détriment d’un autre. La neutralité est primordiale.
Comment notre armée sauvegarde-t-elle la population, quand elle saccage des téléviseurs et des voitures d’innocents, quand elle détruit la santé d’un jeune, quand elle transforme un camp militaire en couloir de la mort, quand cette même population exaspérée commence à vouloir se faire justice elle-même.
C’est cette crise de confiance envers les institutions qu’alimentent, tous ces dérapages. Pourtant si le pays par malheur se retrouvé plongé dans un conflit asymétrique à faible intensité, avec des attaques à l’arme blanche et des incendies criminelles, un peu partout, c’est sur la vigilance et la coopération, de la population civile que les autorités devront compter, se la mettre à dos, est une erreur stratégique.
C’est la moindre des choses pour les citoyens de ce pays que d’espérer vivre dans une République exemplaire et irréprochable. Si ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui sont incapables de leur offrir cela, qu’ils ne se plaignent pas si le peuple aspire au changement.
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