L’ancien député Ali Mhadji a annoncé hier, la formation d’un gouvernement en exil dont le président sera le vénérable Moustoifa Said Cheikh. La mise en place de cette énième instance, après le CNT et l’Union de l’Opposition, reflète les dissensions qui minent le camp Anti-Azali.

Un président en exil, avec quel budget, quelle armée, quelle marge de manœuvre? Cette décision ne risque-t-elle pas de nuire, sur la scène internationale, à la crédibilité de l’opposition et donc du combat qu’elle mène?
S’il y a bien un politicien comorien pour qui j’ai un immense respect, une grande admiration et un profond sentiment de gratitude, c’est Moustoifa Said Cheikh. Il s’est battu pour libérer notre pays du régime dictatorial des mercenaires dans les années 80, il l’a payé de sa chair, subi des tortures et emprisonné durant cinq longues années.
Il est resté intègre tout au long de sa vie. Il a milité quand il était dans la fleur de l’âge, il continue de le faire sur le terrain alors qu’il mérite de passer le flambeau à la jeune génération et savourer une retraite paisible.
Mais comme l’a si bien dit le Che Guevara « un révolutionnaire ne démissionne jamais. »
Alors que certains jeunes activistes ont une peur bleue de manifester aux Comores, car ils craignent la geôle, Moustoifa est aux premiers rangs des rassemblements, au risque de se faire emprisonner comme en juin 2018.
il est une icône de la lutte de libération et le restera. Mais bon sang, que diable allait-il faire dans cette galère?
Un président et un gouvernement en exil, n’ont de sens, que lorsqu’une Grande Puissance accepte d’accueillir, soutenir, financer une telle plateforme. Or il est peu probable que la communauté internationale reconnaisse ce gouvernement.
L’exil n’est pas la solution. Elle prend parfois des allures de désertion. Le remède au mal qui ronge notre pays est à l’intérieur. Il serait temps que l’opposition comprenne que son salut viendra du peuple comorien et seulement de lui.
Après le 26 mai et le joli pied-de-nez qu’elle a fait aux autorités, en réussissant à tenir la manifestation à Mkazi, malgré l’interdiction par le préfet du Centre, l’opposition a l’occasion de transformer l’essai en persévérant dans ses activités pacifiques sur le terrain et non en battant en retraite vers l’exil.
À la croisée des chemins, l’heure de la clarification a sonné pour l’Opposition comorienne. Va-t-elle s’obstiner à n’avoir pour seul horizon que le boycott électoral, les manifestations à l’étranger, les conférences de presse et les communiqués à n’en plus finir? Ou bien va-t-elle se réinventer, réinvestir le champ politique, répondre du tac au tac au gouvernement dans tous les domaines, qu’il s’agisse d’économie, santé, éducation ou de social.
Face à un régime disposant d’une armée, d’une police et d’une justice aux ordres, le déséquilibre des forces est tel que l’on peut parler de conflit asymétrique. Or la règle d’or dans ce genre de « guerre » est de ne jamais combattre son adversaire sur son terrain.
Le régime Azali a érigé l’usage de la force en doctrine. C’est son terrain de prédilection, vouloir l’affronter dans ce domaine sera difficile pour ses adversaires, même si ce n’est pas impossible. Le talon d’Achille du gouvernement actuel est son bilan socioéconomique calamiteux.
Le citoyen lambda est plus réceptif a un politicien qui lui parle de ses tracas quotidiens tels que la pénurie de produits pétroliers quand elle frappe, la difficulté de payer les frais de scolarité des enfants, la cherté de la vie, la recrudescence de la criminalité, autant de sujets qui peuvent apporter un soutien populaire à l’opposition si elle les accapare et en fait son cheval de bataille.
Placer les préoccupations du comorien au centre du débat politique, plutôt que de se partager des titres honorifiques, sans réel impact sur le cours des évènements.
Faire de la récupération politique du moindre faux pas du gouvernement. Être là, où il est absent. A défaut de pouvoir manifester, organiser des colloques sur des thèmes sur lesquels l’État est défaillant. Organiser un point de presse hebdomadaire pour répondre à celui du porte-parole du gouvernement à la sortie de chaque Conseil des Ministres.
Nommer des représentants de l’opposition chargés chacun d’un domaine, c’est ce qui existe dans le système de Westminster, le Shadow Cabinet ou le Cabinet Fantôme, qui est un gouvernement alternatif, dans lequel chaque membre est chargé de suivre pas à pas un ministre du gouvernement et formuler les critiques et des contre-attaques.
C’est en occupant le terrain en permanence que l’opposition deviendra gênante et encombrante pour le pouvoir. Un gouvernent d’exil n’est pas la solution même quand il est incarné par un héros comme Moustoifa Said Cheikh.
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