Djaffar, le vice-président qui faisait de l’ombre à Azali

Un décret présidentiel signé par Azali Assoumani vient de gracier son ex-vice-président tombé en disgrâce depuis 2018.

Il avait été condamné, par la controversée Cour de Sûreté de l’Etat, à la réclusion criminelle à perpétuité, pour des faits d’attentat et de complot contre l’autorité de l’Etat.

Sentant le vent tourner, Djaffar Ahmed avait quitté le pays en toute discrétion, peu de temps auparavant, pour la Tanzanie dans un premier temps, ensuite pour La France, où il entamera un long exil et une longue traversée du désert.

Un mandat d’arrêt international avait été lancé contre lui. Sa femme avait été arrêtée, suite à son départ et son frère l’avocat Bahassane croupira en prison pendant un long moment.

Pourtant, le vice-président Djaffar jouissait d’une certaine popularité auprès de la population comorienne, pour qui il était l’homme qui avait apporté un début de solution au problème de l’électricité qui gangrène le pays.

Si Azali a pu inaugurer, moins d’un an après son investiture, une nouvelle centrale avec de nouveaux groupes électrogènes faisant passer la capacité de production à 18 Mégawatts sur l’île de Ngazidja, il le devait, à la ténacité et au travail acharné de son vice-président.

Même si cet achat d’une valeur de 7 milliards de nos francs, sans appel d’offre, est critiquable et s’avéra être une très mauvaise décision pour la suite, le ouf de soulagement des comoriens qui renouaient avec la fourniture d’électricité 24/24, a contribué à le rendre populaire.

L’ex-vice-président bénéficiait également d’ une certaine sympathie, dans les rangs de l’opposition qui voyait en lui, l’ail modérée de la mouvance présidentielle, celles des colombes qui rééquilibrent la balance face au camp des faucons jusqu’au-boutistes comme le Directeur de Cabinet Chargé de la Défense Belou ou le Ministre de l’Intérieur Mohamed Daoudou.

Petit à petit, il prenait de l’envergure. Un peu trop même, du goût de certains proches du président, qui commencèrent à comploter en sourdine.

Les caciques de la CRC voyaient d’un très mauvais œil, la place prépondérante que prenait de plus en plus, ce converti de la dernière heure.

Il devenait urgent pour eux de stopper l’irrésistible ascension de Djaffar Ahmed, à qui ils reprochent d’être devenu orgueilleux au point de se croire Coprésident de la République.

Le stratagème pour se débarrasser de lui se met en place. Profitant de la révision constitutionnelle de juillet 2018, le poste de vice-président sera supprimé.

Bien sûr, il sera contre cette réforme qui élimine sa fonction, la suite nous la connaissons.

Il représentait un danger pour Azali dans le sens où constitutionnellement parlant, s’il arrivait malheur au Président, c’est lui qui l’aurait remplacé. Cette perspective soulevait des suspicions de connivences avec l’opposition.

Juriste de formation, ancien Procureur Général, avant la période électorale allant de 2015 à 2016, celui qui sera élu vice-président d’Azali en 2016, ne s’est jamais réellement engagé en politique. Ce manque d’expérience va lui jouer des tours.

L’ex-vice-président a commis deux erreurs. Il a fait de l’ombre à son maître et n’a pas dissimulé ses divergences, mais les a étalé au grand jour, facilitant ainsi la tâche à ses adversaires qui ne rêvaient que d’un faux pas pour l’arrêter.

Dans son bestseller  « Les 48 lois du pouvoir » qui s’est  vendu à plus d’un million d’exemplaires, sur comment conquérir le pouvoir et le garder, Robert Greene affirme que la loi numéro un est « never outshine the master » c’est à dire « NE SURPASSEZ JAMAIS LE MAÎTRE » . 

Il explique ceci : « Ceux qui sont au-dessus de vous doivent toujours se sentir largement supérieurs. Dans votre désir de leur plaire et de les impressionner, ne vous laissez pas entraîner à faire trop étalage de vos talents, ou vous pourriez obtenir l’effet inverse : les déstabiliser en leur faisant de l’ombre. Faites en sorte que vos maîtres apparaissent plus brillants qu’ils ne sont et vous atteindrez les sommets du pouvoir.« 

C’est cette leçon importante que l’ancien Vice-président Djaffar Ahmed Hassani semble ne pas avoir assimilé avant de se lancer en politique, ce lieu cruel, sans foi ni loi, où la trahison est la norme. 

Sa stature, sa prestance, ses ambitions commençaient à faire de l’ombre à Azali Assoumani, qui souffrait de la comparaison.

Djaffar Ahmed Said Hassani n’est pas un opposant dans l’âme, il était en désaccord avec Azali sur la forme et non sur le fond. D’ailleurs, s’il avait pris part à la réunion du gouverneur de Ngazidja Hassani Hamadi contre Azali à Mrodju, depuis qu’il est en exile il n’a jamais participé publiquement aux activités de l’opposition.

Cette grâce présidentielle, lui permettra de retourner au pays, pas sûr qu’elle signifie qu’il renouera avec la politique.

Mohamed Moussa Al Comorya – Ne pas copier. Toute reproduction interdite –



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