En cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, il semble opportun de rappeler aux hommes politiques comoriens, que la déplorable absence de femmes dans les instances décisionnelles et dirigeantes de notre pays est une anomalie même au regard de notre histoire.

Peu ou prou, se souviennent que nos sultanats ont été dirigés par des femmes. En 1598, Djumbe Halima est devenue Reine d’Anjouan et régna depuis Domoni qui était alors la capitale.
A Ngazidja, de nombreux sultanats furent dirigés par des femmes, parmi les plus célèbres, il y a Nyao wa Mfaume dans le Bambao, Wabeja Wa Mbaya dans le Itsandra ou encore Djana Nema du Mbude qui est la mère du fameux Msafumu.
A Mohéli, le règne de Djumbe Fatima marqua l’histoire comorienne.
Lors de la lutte pour l’indépendance dans les années 60, les femmes n’étaient pas en reste. Sakina Ibrahim du MOLINACO était aux premiers rangs du mouvement de libération des Comores et voyageait jusqu’en Chine pour plaider la cause de notre pays. On peut également citer Hadidja Sabile de Mstapere, une militante vaillante de l’émancipation de la nation comorienne.
Mais à contre-courant de l’histoire, plus l’on avance dans le temps, plus la présence des femmes dans les hautes sphères de l’Etat, est réduite à sa plus simple expression. Il a fallu attendre 1991 pour qu’une comorienne hérite d’un portefeuille ministériel.
Depuis, les gouvernements successifs ont toujours fait la part belle à ces messieurs, ajoutant une ou deux femmes, pour « faire bien » sur la photo.
La société comorienne est paradoxale. Si dans la pratique, rare sont ceux qui l’expriment ouvertement, dans notre inconscient collectif, la place de la femme est d’être une « mwana zidakani » une « femme recluse ». Une pratique ancienne fort heureusement délaissée qui consistait pour certaines filles de « bonne famille » de ne jamais sortir de la maison jusqu’à leur mariage.
Cette image de la femme recluse, est tellement imprégnée dans nos mœurs, qu’il en devient normal pour nous, de ne pas voir de femmes en grand nombre à l’Assemblée, au Gouvernement, ou à la tête des grandes entreprises publiques.
L’homme comorien blottit dans ses certitudes et le confort de ses privilèges ne cédera pas la place volontairement aux femmes. En cette journée du 8 mars, si j’ai un message pour les comoriennes, c’est de leur dire que nulle part ailleurs dans le monde, les droits des femmes ont été offerts sur un plateau d’argent. Partout les femmes ont dû se battre pour les obtenir.
Le monde occidental n’a pas accordé le droit de vote aux femmes. Non, les suffragettes se sont organisées et se sont battues pour l’obtenir à la sueur de leur front. Alors mes sœurs, la place qui vous sera réservée dans la société comorienne sera proportionnelle à l’appétence que vous mettrez dans la revendication de vos droits légitimes.
L’homme comorien doit pour sa part déconstruire, une bonne fois pour toutes, le mythe de la société matriarcale idyllique. Nous ne connaissons que trop bien, les dérives de ce système, qui remplace le père par l’oncle maternel « Mdjomba » comme figure tutélaire de l’autorité sur les femmes de la maison.
On a vu les abus de la notabilité de Ngazidja et le bannissement d’une femme qui a dénoncé des attouchements sur son enfant à Mbambani, une journaliste s’est fait exclure d’une réunion de « males dominants » qui ironie du sort se déroulait au foyer des femmes. Une autre qui s’est vue bannir de Nyumadzaha, simplement pour avoir dit publiquement sur les réseaux sociaux qu’elle était positive à la covid-19. Des comportements rétrogrades qui laissent pantois.
Tout n’est pas négatif. Il serait injuste de dresser un sombre portrait de la situation des femmes comoriennes. Malgré les obstacles elles brillent de mille feux dans tous les domaines. Elles excellent dans l’entreprenariat. Elles sont à l’avant-garde sur les questions sociétales, comme le prouve le foisonnement d’associations dirigées par des femmes.
Je ne peux clore sans rendre hommage aux femmes du mouvement Mdzadze Mwendza Irumbi, qui luttent pour la démocratie et l’état de droit aux Comores, avec une pensée spéciale pour Sabikia emprisonnée pour avoir voulu manifester contre le gouvernement.
Le courage de ces femmes militantes est une lueur d’espoir, qui redonnent envie de croire à des lendemains qui chantent.
Mohamed Moussa Al Comorya – Ne pas copier. Toute reproduction interdite –
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