
« les Comoriens, c’est les autres » pour paraphraser Jean-Paul Sartre et son fameux « L’enfer, c’est les autres ».
Lorsque certains d’entre nous comoriens, parlons de nous mêmes et des maux qui rongent notre communauté, nous avons une fascinante faculté à nous extraire du lot et à ne jamais nous inclure dans ce terme « les comoriens ».
La polémique sur la Miss Comores qui affirme maladroitement que : « Les comoriens sont bêtes, parce qu’ils n’ont pas été à l’école comme nous, ce n’est pas de leur faute» n’est qu’une parfaite illustration de cette crise identitaire. Celle d’une génération déracinée, qui vit sa double culture non pas comme une richesse, mais comme une bipolarité ou une schizophrénie.
Ce sont trois jeunes filles, une, Natacha ne se sent pas comorienne, et c’est son droit, sa liberté. Une seconde qui n’est autre que Miss Comores se sent comorienne et fière de représenter sa communauté. La troisième est la sœur de notre reine de beauté.
Pour être juste et honnête, il faut souligner que Miss Comores et sa sœur défendaient les comoriens. Elle a simplement utilisé la mauvaise approche. Dans la vidéo les trois débattent sur les « comoriens » comme si elles n’en faisaient pas partie. Les comoriens bêtes, c’est bien sûr les autres, pas elles-mêmes.
C’est ce que l’on appelle « la haine de soi », les anglophones décrivent cela comme « self hatred ».
Ces comoriens et comoriennes qui ont grandi ou vécu dans un autre environnement, en arrivent à l’internalisation des préjugés que la culture dominante , dans laquelle ils baignent, a contre les cultures jugées inférieures.
Il ne faut pas jeter la pierre uniquement sur ces jeunes filles, car c’est un phénomène qui frappe toutes les catégories sociales des Comores.
C’est surtout la preuve que l’on ne naît pas comorien, on le devient. Une des trois jeunes filles explique qu’elle rejette sa comorianité car sa mère a subi un mariage forcé lorsqu’elle était adolescente.
Sans faire de la psychologie de comptoir, il est évident que cette jeune fille règle ses comptes avec son histoire familiale, qu’elle assimile au fait d’être comorienne.
Comme si les drames familiaux, les violences conjugales et autres n’existaient que chez les comoriens.
Il semble selon ses propres dires que c’est l’éducation qu’elle a reçu, bercée par le ressentiment de sa mère envers son pays d’origine, qui a engendré cette haine de soi.
Beaucoup de parents pensent que leurs enfants seront naturellement comoriens peu importe la culture et l’éducation qu’ils reçoivent. C’est absurde.
La transmission du sang et de l’ADN ne suffit pas à forger un comorien. L’identité comorienne n’est pas innée, elle est acquise. L’aspect éducatif et la transmission de la culture jouent un rôle important dans le façonnement de l’identité d’un individu.
Être comorien, avant d’être une nationalité, c’est un sentiment d’appartenance à un héritage culturel. On peut être né dans l’archipel et ne pas se sentir comorien. Tout comme on peut être né à Marseille, Majunga ou Zanzibar et se sentir comorien parce que la passation de cet héritage culturel a bien été effectuée de génération en génération.
Il existe une catégorie particulière de comoriens, dans laquelle chacun pense le plus sincèrement du monde, que Dieu n’a créé aucun autre comorien intelligent, hormis lui-même.
C’est ainsi qu’on peut trouver des discussions sur internet durant lesquelles des dizaines de comoriens critiquent la passivité, l’oisiveté et l’inaction des comoriens. « Les comoriens doivent se révolter » « les comoriens doivent développer leur pays » « les comoriens doivent changer de mentalité ».
Tout cela sans jamais penser la moindre seconde, que cela les concerne également puisqu’ils sont comoriens. Bien sûr que non! les comoriens, c’est comme l’enfer de Sartre, c’est toujours les autres et uniquement les autres.
Mohamed Moussa Al Comorya
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