Edito | 24 Mars, hold-up électoral d’Azali Assoumani, 2 ans après

Il y a deux ans jour pour jour, le 24 Mars 2019, se produisait une farce démocratique dont seul notre archipel a le secret. Ce fut un jour sombre pour la naissante démocratie comorienne.

Cette date restera dans l’histoire comme celle d’un hold-up électoral dont Azali Assoumani est coupable et responsable. Au cours des deux dernières décennies, les Comores avaient, bon an mal an, consolidé certains acquis démocratiques.


Chose rare en Afrique, on pouvait être de l’opposition et gagner des élections. En 2002 par exemple, un député farouche opposant, Abdou Soulé Elbak est élu Chef de l’exécutif de l’île autonome de Ngazidja, malgré la détestation réciproque et l’hostilité du pouvoir en place en son encontre, il a réussi a décroché une victoire dans les urnes.

La même chose se produit 4 ans plus tard aux présidentielles de 2006, Ahmed Abdallah Sambi, un candidat de l’opposition, ancien député, plus connu alors, pour ses prêches religieux que ses discours politiques, arrive à battre le candidat du pouvoir et se frayer un chemin vers Beit Salam en passant par les urnes.

Le peuple comorien assistait à une séquence politique inédite dans l’histoire du pays.  L’état de droit s’enracinait petit à petit. 


Plutôt que de s’affronter dans les rues, les politiciens avaient pris l’habitude d’avoir recours à la justice pour trancher leurs contentieux. Les gouvernants jouaient le jeu et se soumettaient aux décisions de justice. 

A titre d’exemple du bon fonctionnement des institutions, le conseil de l’île d’Anjouan qui était aux mains de l’opposition Juwa, a voté une motion de censure pour virer deux commissaires du gouverneur Anissi Chamsidine qui était membre de la majorité présidentielle. La Cour constitutionnelle a donné raison à l’opposition et le gouvernorat anjouanais a dû se soumettre à la décision des conseillers de l’île. 

En 2016, La Cour Constitutionnelle avait même annulé un décret présidentiel d’Ikililou Dhoinine, remplaçant des membres de la CENI. Pour vous dire à quel point l’espoir était permis. Inimaginable aujourd’hui. De nos jours, sous ce régime toutes les décisions de la Cour Suprême sont en faveur du pouvoir et uniquement du pouvoir.

Le pays avait trouvé un rythme de croisière, un semblant de normalité démocratique. Lorsque Sambi a voulu se présenter aux primaires de Ngazidja en 2016, il a été autorisé à déposer sa candidature, celle ci fut rejetée par la Cour et l’ancien président a pris acte sans remous.

Aucun politicien ne songeait à des tentatives de déstabilisation ou atteinte à la sureté de l’Etat, car l’alternance démocratique pacifique était possible. La preuve, aux élections de 2016, ce sont les candidats de l’opposition qui l’ont emporté. Pour la troisième fois consécutive, un président élu par le peuple, a cédé sa place à un autre que les comoriens ont choisi librement. 

C’est à cette parenthèse enchantée que le 24 mars 2019 a mis fin. Tout n’était pas parfait à l’époque. La corruption, la mauvaise gouvernance, les violations des libertés étaient récurrentes. Mais les alternances pacifiques du pouvoir étaient acquises.  Azali Assoumani porte la lourde responsabilité devant l’histoire d’avoir étouffé dans l’œuf l’aventure démocratique aux Comores.  

Bourrages d’urnes, militaires dans les bureaux de vote, une CENI partisane,  tous les ingrédients d’une mascarade électorale étaient réunis. Un jour de honte nationale. 

Les partis d’opposition ont leur part de responsabilité dans la débâcle du 24 mars. Ce jour là, lorsque les candidats ont décidé un retrait du scrutin à deux heures de la fin. Nous étions dépités et en colère. On se sentait trahi pour cette opposition qui avait promis un plan de sécurisation.

A l’heure fatidique, on découvre que le plan consistait, non pas à protéger les urnes mais à les saccager. L’opposition avait les moyens humains et matériels de sécuriser les urnes dans la totalité de l’île de Ngazidja.

Les 12 candidats étant issus de toutes les régions de l’île et leurs assesseurs étaient présents dans tous les bureaux de vote de l’île. Si l’opposition avait maintenu la présence des assesseurs jusqu’à la fin et assisté au dépouillement sans quitter des yeux les urnes.

Elle aurait pu se prévaloir d’une légitimité issue de plus de 400 bureaux de vote sur 700. L’opposition avait donc la possibilité de sécuriser la majorité des bureaux de vote. Elle a préféré opter pour le saccage et le retrait, du pain béni pour Azali.

Ce retrait aurait un sens s’il était suivi d’un plan de secours qui consiste à engager un rapport de force, une révolte populaire pacifique. Un tel plan se prépare en avance et entre en action le jour même du scrutin. Ce ne fut pas le cas.

Notre exaspération venait du fait que les élections sont la seule fenêtre de tir qui permettait de changer les choses. On avait prévenu les jusqu’au-boutistes que s’attendre à une révolution, c’est possible, mais peu probable en l’état actuel des choses. Cette élection était une occasion en or. En laissant les urnes leur filer entre les doigts, les opposants ont laissé passer la principale chance qu’ils avaient de chasser Azali pacifiquement. Depuis ils ont entamé une longue traversée du désert.

L’opposition doit tirer leçon des erreurs de ces deux années passées durant lesquelles elle a été réduite à sa plus simple expression. Le régime en place doit pour le bien de tous reconnaître que tout le temps, l’argent et l’énergie consacrés à s’agripper au pouvoir, n’est que gâchis au vu du peu de résultats sur le plan du développement économique. 5 ans après l’arrivée au pouvoir d’Azali Assoumani, le pays n’a marqué des progrès significatifs dans aucun domaine.

Mohamed Moussa Al Comorya – Ne pas copier. Toute reproduction interdite –



Catégories :Edito & Opinions, Infos & actu, Siasa

Tags:, ,

%d blogueurs aiment cette page :