
Les Comores n’ont pas créé l’exploit, mais elles n’ont pas sombré non plus. Battus 2-0 par le Maroc lors du match d’ouverture de la 35e Coupe d’Afrique des nations 2025, les Coelacanthes ont longtemps résisté à l’ogre continental, avant de céder sur deux éclairs de génie individuels. Sous une pluie battante et dans un stade acquis à la cause des Lions de l’Atlas, la soirée laisse un sentiment partagé, de la fierté dans l’engagement, mais aussi des interrogations profondes sur les choix tactiques du sélectionneur Stefano Cusin.
Face à la première nation africaine au classement FIFA (11e mondiale), demi-finaliste de la Coupe du monde 2022, les Comores savaient à quoi s’attendre. Le plan était clair, bloc bas, densité défensive, solidarité maximale et espoir de piquer en transition rapide. De ce point de vue, la première période a été globalement maîtrisée. Le Maroc a dominé, mais sans réellement déséquilibrer une équipe comorienne disciplinée, portée par un Yannick Pandor exceptionnel dans les cages.
À la pause, le 0-0 était accueilli par le mécontentement du public marocain, preuve que les Coelacanthes avaient atteint leur premier objectif, frustrer le favori. Pandor, auteur de cinq arrêts dont un penalty, s’imposait déjà comme l’un des hommes forts de cette ouverture de CAN.
La seconde période a toutefois mis en lumière l’écart de niveau et de profondeur d’effectif. Au premier relâchement comorien, Brahim Díaz punissait sur un service précis de Mazraoui (55e). Un but libérateur pour le Maroc, qui trouvait enfin des espaces. Les Comores ont alors eu leur moment, une énorme occasion de Rafiki Saïd, consécutive à une incroyable erreur de concentration de Nayef Aguerd, mais Bounou sauvait les siens (59e). À 1-0, tout restait possible.
Mais face à ce type d’adversaire, la moindre occasion manquée se paie cash. Ayoub El Kaabi scellait le sort du match d’un ciseau retourné somptueux (75e). 2-0, score final, sans que le Maroc n’ait eu besoin de forcer outre mesure.
Malgré la défaite, Yannick Pandor sort grandi de cette rencontre. Le gardien comorien a marqué de son empreinte l’ouverture de la CAN. Sans lui, l’addition aurait pu être bien plus lourde. Sa prestation XXL confirme que les Comores disposent d’un dernier rempart capable de rivaliser avec les meilleurs.
C’est surtout sur le plan tactique que le match laisse un goût d’inachevé côté comorien. Le plan de jeu défensif n’a surpris personne, pas même les supporters, comme l’a rappelé l’ancien international Chaker Elhadhur : « On savait déjà que ça allait se passer comme ça. Bloc bas et Maroc qui essaie de contourner. »
Mais au-delà du système, ce sont les hommes choisis qui interrogent. Aligner une défense quasiment inédite dans un match d’ouverture face au Maroc était un pari extrêmement risqué. Kari Yaniss, première sélection en équipe À, première titularisation. Même si sa prestation est louable et qu’il n’a pas démérité, n’est-ce pas un risque inconsidéré dans un match aussi important, face à des joueurs de calibre mondial, d’aligner des défenseurs et dont la majorité a moins de 10 sélections à son actif, pendant que les joueurs d’expérience comme Said Bakary , Kassim Mdahoma, Yacine Bourhane, restaient sur le banc.
Pourtant le coach reconnaît lui-même qu’ils constituent le « canal historique » des Cœlacanthes. Idem pour l’attaque. L’un des meilleurs buteurs de la sélection Myziane Maolida était remplaçant. Le choix a été difficile à comprendre pour une grande partie des supporters.
Pourtant, pour rester objectif, il faut reconnaître que cette défense « inexpérimentée » n’a pas explosé, en première mi-temps, ce qui plaide en partie pour le sélectionneur Stefano Cusin. Mais elle a aussi eu du mal à ressortir proprement le ballon sous le pressing marocain, privant l’équipe de toute possibilité de souffler et d’installer des temps forts. Dans un match où l’on accepte de subir, l’expérience est souvent un facteur clé pour gérer les temps faibles.
L’erreur de Stefano Cusin et de refuser tirer les fruits du travail de ses prédécesseurs. Il souhaite reléguer aux oubliettes, les joueurs qui ont mûri sous le maillot vert, qui ont acquis l’expérience des grands rendez-vous.
De plus, il a la fâcheuse tendance de remettre aux calandres grecques, la nécessité de faire des bons résultats. Lors des qualifications pour le Mondial, il disait que son objectif était la CAN 2025 et non la Coupe du monde.
Maintenant au moment de faire ses preuves, il expliquait au micro de CSport Mag, il y a quelques jours que : « pour beaucoup de personnes, cette CAN représente un événement majeur, comme si le monde s’arrêtait avec cette CAN. Non, ce n’est pas du tout comme ça… mon travail consiste à préparer l’avenir. » C’est ce qu’on appelle une fuite en avant. Le technicien italien ne cesse de parler d’un futur hypothétique, quitte à sacrifier le présent. Cette mentalité nous a fait passer à côté d’une qualification en Coupe du monde, alors que le rêve était à portée de main et que des petites nations comme le Cap-Vert et Curaçao l’ont fait.
Mais tout n’est pas perdu. Comme l’a rappelé Youssouf M’Changama au micro de beIN Sports, l’objectif reste clair : « Sortir des poules et aller en huitièmes de finale. On est une petite nation, mais on veut voir grand. »
Car soit lucide, la qualification des Comores ne se jouait pas contre le Maroc, hier soir, mais lors des prochaines rencontres face à la Zambie et au Mali. Ce premier match doit servir de base, mais aussi d’alerte. Stefano Cusin devra sans doute ajuster ses choix, trouver un meilleur équilibre entre prudence tactique et audace, entre jeunesse et expérience, sur chaque ligne.
La défaite est logique. Le contenu, respectable. Les questions, légitimes. À présent, place aux réponses sur le terrain. On ne veut plus d’excuses mais des résultats. On y croit plus que jamais. C’est tout un archipel pour qui, la sélection nationale est devenue l’opium du peuple, un des rares motifs de satisfaction et de fierté nationale. Very piya.
