Mort d’Akibarou Issoufa en détention : retour sur une affaire qui secoue les Comores

La mort en détention d’Akibarou Issoufa, 33 ans, père de quatre enfants et originaire de Mohéli, provoque une vive émotion dans le pays. Cet homme, emprisonné depuis mai 2025, avait adressé plusieurs appels à l’aide aux autorités, dont une longue lettre ouverte au président Azali Assoumani, le 28 octobre 2025, dans laquelle il décrivait son arrestation, les pressions dont il se disait victime, et des irrégularités judiciaires majeures. Son décès remet aujourd’hui sur la table une série de questions fondamentales concernant les conditions d’incarcération des détenus, l’indépendance de la justice et les responsabilités institutionnelles.

D’après la lettre d’ Akibarou Issoufa, l’affaire trouve son origine en Égypte, où il avait travaillé douze ans dans le télémarketing. Il y fait la connaissance d’une collègue, Asma Khaled Mohamed, avec laquelle il entretient une relation professionnelle devenue intime.

Selon son récit, la jeune femme contracte en Égypte, en son nom, un prêt d’environ 7 millions de francs comoriens, destiné à un projet d’import-export. Akibarou affirme avoir rempli ses obligations financières et mis fin à leur relation avant son retour aux Comores. Mais un conflit éclate lorsqu’il entame une nouvelle relation sentimentale avec celle qui deviendra sa fiancée.

La plaignante aurait alors déposé une plainte contre lui aux Comores et tenté de faire pression sur lui, notamment par des menaces et un épisode violent où elle aurait tenté de le blesser avec un couteau.

Akibarou Issoufa affirmait avoir été arrêté le 3 mai 2025, à Mohéli dans la nuit, sans mandat, par deux gendarmes en civil. Il a été transféré de nuit vers Anjouan, le 6 mai, dans une embarcation de pêche qu’il disait louée par la plaignante elle-même. Il aurait été retenu sans présentation devant un juge compétent.

Dans sa lettre, il expliquait que le dossier était déjà en cours devant le tribunal de Fomboni, Moheli, juridiction compétente selon son lieu de résidence, mais qu’il avait été déplacé à Mutsamudu « où certains pouvaient exercer plus facilement leur influence ».

Le juge d’instruction avait également saisi ses appareils électroniques (téléphones, ordinateur) et les aurait remis directement à la plaignante, ce qui constitue, si cela est avéré, une grave violation du principe de neutralité de la procédure et de la protection de la vie privée.

Le regretté avait alerté le ministère de la Justice, le directeur des Affaires judiciaires, la procureure générale de Mutsamudu, le Service d’Écoute de Mutsamudu, et la Direction régionale des droits de l’homme. Selon lui, toutes ces institutions avaient reconnu des anomalies mais se seraient heurtées à des « pressions politiques et craintes de représailles ».

Sa fiancée, Oussenii Rifda Aqwa, affirmait elle aussi avoir subi des mesures coercitives, dont une garde à vue assortie de pressions pour l’empêcher d’entrer en contact avec lui.

Dans sa lettre ouverte, Akibarou Issoufa demandait, la révision de sa détention au regard d’irrégularités qu’il dénonçait. La protection et la sécurisation des données contenues dans ses appareils saisis. L’ouverture d’une enquête indépendante sur les pressions alléguées. Le respect de ses droits fondamentaux en prison. Il concluait en disant garder « foi en la justice du pays » mais craindre pour sa vie et sa dignité. Quelques semaines plus tard, il est décédé en détention, déclenchant une vague d’indignation parmi sa famille et une partie de la société comorienne.

La mort d’Akibarou Issoufa soulève plusieurs responsabilités institutionnelles et manquements potentiels. Notamment la Responsabilité de l’administration pénitentiaire, car les conditions de détention ont contribué de façon direct ou indirecte à sa mort en aggravant sa santé fragile.

La Responsabilité de la chaîne judiciaire est aussi engagée, car l’affaire dévoilé des violations graves de procédure et une potentielle privation arbitraire de liberté.

La plaignante, Mme Asma Khaled Mohamed, est au cœur du litige. Elle aurait quitté le pays quelques jours avant la mort du détenu. Les accusations d’ingérence, si elles sont avérées, pourraient engager la responsabilité de certaines personnalités ou intermédiaires.

Étant donné que les appels d’Akibarou ont été adressés à plusieurs autorités, y compris au chef de l’État, il existe une question légitime: Pourquoi aucune mesure n’a-t-elle été prise pour vérifier la légalité de sa détention ?

La mort d’Akibarou Issoufa transforme ce dossier individuel en affaire nationale, car elle pose des enjeux fondamentaux, comme l’indépendance de la justice, la protection des détenus, les risques d’ingérences dans les procédures judiciaires et les Carences de l’État de droit dans un pays où une grosse enveloppe « Bahasha » donné à la bonne personne, suffit à jeter derrière les barreaux n’importe quel citoyen.

Plusieurs de ses proches demandent aujourd’hui, une enquête indépendante, la publication des conclusions médicales, l’arrestation et des sanctions contre les auteurs de ces violations avérées.

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