Azali à Doha: retour sur une rupture diplomatique coûteuse entre les Comores et le Qatar

Lors du Sommet arabe et islamique extraordinaire, qui s’est tenue au Qatar, le président comorien Azali Assoumani a vivement condamné l’agression israélienne du 9 septembre contre la capitale qatarienne, Doha, dénonçant une violation de la souveraineté nationale et du droit international.


Dans son intervention, le Chef d’Etat Comorien a salué les efforts du richissime émirat du Golfe dans la médiation pour la paix et la stabilité dans la région, et a réaffirmé le soutien indéfectible de Moroni à la cause palestinienne.

Cette prise de position marque un geste diplomatique notable, mais elle s’inscrit dans un contexte particulier, puisque malgré la réconciliation entre les pays du Golfe après le blocus de 2017, les relations diplomatiques entre Moroni et Doha restent gelées.

En 2017, au plus fort de la crise qui opposa le Qatar à l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Bahreïn, le gouvernement comorien d’Azali Assoumani avait choisi de rompre avec Doha, suivant l’axe saoudien. Un choix qui avait profondément froissé les autorités qatariennes. Huit ans plus tard, alors que la normalisation est intervenue entre Doha et ses voisins, les Comores demeurent le seul pays à n’avoir pas repris leurs relations avec l’émirat gazier.

En rompant avec le Qatar au profit de Riyad et Abou Dhabi, les Comores ont perdu l’un de leurs plus importants partenaires économiques. Aujourd’hui, saoudiens et qataris s’entendent comme larrons en foire, tandis que Moroni reste privé d’un allié stratégique. Car Doha n’a pas été un simple bailleur de fonds. Entre 2006 et 2017, le Qatar a injecté des centaines de millions de dollars dans l’économie comorienne, devenant de loin le partenaire arabe le plus actif.

Le tournant majeur fut la Conférence de Doha sur le développement et l’investissement aux Comores, en mars 2010, qui avait mobilisé près de 540 millions de dollars d’engagements, dont 217 millions promis par les seuls qataris (100 millions pour le secteur privé).

Parmi les projets concrets réalisés ou engagés, il y avait une aide budgétaire de 40 millions d’euros offerte par l’Émir en 2010 et qui a permis de payer les arriérés de salaires des fonctionnaires.

Mais plutôt que de se contenter d’accorder des aides publiques au développement, l’accent avait été mis sur les investissements productifs notamment dans le secteur touristique avec un complexe hôtelier de 70 millions de dollars à construire en lieu et place du mythique Galawa Beach. Ansi que la reprise et rénovation de l’Hôtel Le Moroni, devenu le Retaj. 

Le Qatar a apporté un boost sans précédent au secteur industriel comorien, avec la création de milliers d’emplois grâce à l’usine d’eau minérale Salsabil et surtout la Société nationale de pêche de Vwadju, financée à hauteur de 33 millions de dollars. 

La santé et l’éducation n’étaient pas en reste avec la construction de l’hôpital de Hombo, dont les travaux avaient débuté et n’ont jamais été achevé. La construction d’un quartier résidentiel à Mohéli.  Ou encore la faculté Imam Chanfii. 

Ces projets avaient pour ambition de transformer l’économie nationale en misant sur le tourisme, la pêche, la santé et l’éducation.

Depuis la rupture de 2017, la plupart de ces dynamiques se sont arrêtées net. Un manque à gagner colossal. On peut estimer que les Comores ont perdu ou manqué d’attirer entre 300 et 400 millions de dollars d’investissements sur la dernière décennie. Une somme considérable qui avoisine les 30% de notre PIB (1,4milliard de dollars.)

La rupture avec Doha apparaît donc comme une faute politique coûteuse, qui a privé l’Union des Comores d’investissements massifs et de milliers d’emplois.

Aujourd’hui, alors que le Qatar poursuit une stratégie d’expansion en Afrique et investit lourdement dans l’hôtellerie, les infrastructures et les énergies renouvelables, Moroni reste à l’écart de cette manne financière.

La présence  d’Azali Assoumani à Doha marque une ouverture symbolique, mais les Comores doivent aller plus loin. Rétablir les relations diplomatiques avec le Qatar n’est pas seulement un choix géopolitique, c’est une urgence économique.

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