Les Comores se sont inclinées lourdement face au Mali (3-0) à Berkane. Une défaite qui relance les Aigles dans la course au Mondial, mais qui enfonce surtout les Cœlacanthes dans une spirale inquiétante. Car au-delà du score, c’est l’attitude de l’équipe et l’approche de son sélectionneur qui posent question.

Un sélectionneur sans conviction
Depuis sa nomination en octobre 2023, Stefano Cusin donne le sentiment de ne jamais avoir cru à l’aventure des Comores à la coupe du monde 2026. Même lorsque son équipe caracolait en tête du groupe, son discours était sans relief, comme s’il souffrait du syndrome de l’imposteur et qu’ils occupaient cette première place, sur un coup de chance.
Lors d’une interview avec RFI le 6 juin 2024, il avait déclaré:
« Il faut être honnête, je pense qu’avant le début des qualifications, si on avait donné des cotes de qualification, personne n’aurait parié sur les Comores. Le Ghana, le Mali, et même Madagascar, ce n’est pas n’importe quelle équipe. Notre place logique dans ce groupe, c’est la 5e place sur les 6 équipes. Donc, on va jouer sans aucun stress, sans aucune pression. Nous sommes en reconstruction, on utilise les matchs officiels pour juger notre niveau, pour s’améliorer constamment, essayer de renforcer l’équipe.
Stefano Cusin a donc déclaré publiquement, qu’il se paie le luxe de sacrifier la qualification au mondial 2026 pour préparer la CAN. Ce que les autres sélectionneurs font durant des matchs amicaux, il décide de le faire durant les éliminatoires pour la compétition la plus importante au monde. Avec une telle mentalité est-il étonnant que les Comores encaissent 6 buts dans la double confrontation contre les maliens? Un défaitisme que l’on ne tolérerait jamais, même dans le football amateur.
Comment galvaniser une équipe avec de tels propos? Comment insuffler la gagne et la grinta, quand on dénigre sa propre équipe. Un sélectionneur n’a nullement besoin de faire preuve de réalisme. C’est la folie des grandeurs qui a permis à Amir Abdou de mener des joueurs qui jouaient en National, en huitième de finale de la Coupe d’Afrique en 2022.
Sur le terrain, les choix tactiques laissent perplexes, systèmes instables, ajustements tardifs, incapacité à libérer le potentiel offensif des joueurs. Kassim Mdahoma est un jour d’expérience, il joue en sélection depuis 2017. Avec l’autre défenseur Said Bakari, ils ont à leur actif des années de jeu ensemble et d’automatismes. Pourquoi laisser Kassim sur le banc et casser cette muraille défensive solide qui a fait ses preuves et qui a été renforcée par le talentueux Warmed Omari?
Qui mieux que Youssouf Mchangama est capable de densifier et animer le jeu au milieu du terrain? Le mieux placé pour transformer nos chances sur coups de pied arrêtés était aussi sur le banc. Le trio d’attaque Myziane Maolida, Rafiki Saïd et Faiz Selemani a donné du fil à retordre à la Tunisie. Comment comprendre que Faiz, qui s’est montré décisif, lors des dernières rencontres officielles. buteur ou passeur décisif, a lui aussi chauffé le banc?
Le match contre le Mali n’a été qu’une répétition de ce manque d’idées et de choix étranges, avec une équipe réduite à subir et incapable de se montrer décisive dans les moments-clés.
Une excuse trop facile : l’écart de niveau
Pour se justifier le sélectionneur pointe l’écart de classement FIFA entre le Mali (54e) et les Comores (107e), ou encore la valeur marchande des effectifs (150 millions contre 23 millions d’euros). Mais ce discours n’est qu’un prétexte. Les Cœlacanthes ont déjà prouvé qu’ils pouvaient renverser des montagnes. En 2022, ils avaient battu le Ghana (alors top 10 africain) 3-2, en novembre 2023 ils renouvellent l’exploit en remportant la victoire 1-0. Les Comores ont gagné contre la Tunisie, pourtant bien mieux classée et plus riche en stars européennes. Ce n’est donc pas une question de « niveau », mais bien d’état d’esprit.
Une équipe sans âme ni collectif
Aujourd’hui, ce qui frappe, c’est l’absence d’âme. Les joueurs apparaissent comme une somme d’individualités, sans cohésion ni envie de se surpasser pour le maillot. Plus symptomatique encore, ils n’ont même plus la volonté, ou le respect, de chanter l’hymne national, alors qu’il n’y a pas si longtemps tous joueurs et même les wazungu du staff technique la chantaient. Une attitude défaitiste inimaginable pour les Comores de la CAN 2022, lorsque, malgré les absences et le manque de gardien de métier, Chaker Alhadhur et ses coéquipiers s’étaient battus jusqu’au bout, incarnant la fierté d’un peuple.
Le lien rompu avec les supporters
Un désamour entre l’équipe et ses supporters risque de naître. Le fait de jouer à l’étranger au Maroc, depuis quasiment deux ans, faute d’un stade homologué aux Comores, n’arrange rien. Le stade de Maluzini, toujours non conforme aux normes internationales, symbolise l’échec des autorités comoriennes à offrir une vraie maison aux Verts. Résultat, les supporters se sentent abandonnés, et l’équipe privée de son douzième homme.
Une campagne encore jouable, mais sans cap clair
Avec 12 points, les Comores restent à portée du Ghana (16 points) et de Madagascar (13 points). Rien n’est mathématiquement perdu, mais l’étau se resserre. La prochaine rencontre face à la Centrafrique, à Fès, est déjà une finale. Mais pour espérer relancer la dynamique, Stefano Cusin devra d’abord balayer ses doutes et insuffler une véritable conviction à son groupe.
Sans cela, la campagne vers le Mondial 2026 risque de se transformer en fiasco. Et l’histoire retiendra que les Cœlacanthes avaient autrefois battu des géants, mais qu’ils se sont laissés étouffer par le manque d’ambition et de vision de leur propre sélectionneur.
