Après sa visite aux Comores, un rapport du député d’extrême droite Guillaume Bigot dénonce l’inefficacité de l’aide publique au développement de la France.

À la suite de son séjour aux Comores du 29 septembre au 2 octobre 2024, le député français Guillaume Bigot a présenté son rapport sur sa Mission « Aide publique au développement » à l’Assemblée nationale.
Il livre ses conclusions sur l’aide apportée par la France aux Comores, analysant son efficacité et son impact. Le rapport met en lumière les différents projets financés par la France et examine leur succès variable. Il soulève des interrogations sur la pertinence de certains projets, ainsi que la nécessité d’améliorer la coordination de l’aide française pour maximiser son impact. Il aborde également la question des migrations en provenance du reste de l’archipel des Comores vers Mayotte et le rôle de l’APD dans la gestion de ce phénomène.
Selon le rapport de Guillaume Bigot « Le groupe AFD dispose aux Comores d’un portefeuille de projets d’un montant total de 252,1 millions d’euros octroyés, dont 60,9 millions ont déjà été payés et 191,9 millions restent à verser »
On y apprend que sur les 60 millions versés, tenez vous bien, 50 millions ont bénéficié à des structures françaises et non à la population comorienne. « Lors de mon déplacement aux Comores, j’ai pu constater que nombre de structures françaises ont effectivement bénéficié des plus de 50 millions d’euros dépensés dans ce pays. Mais ces entreprises, associations ou ONG réalisent souvent des études de faisabilité et de marché, des enquêtes thématiques : facturées à 500 ou à 1 000 euros la journée, ces études vous tombent souvent des mains – j’en ai lu un bon nombre – tant leur contenu est pauvre, ou concluent à la quasi-impossibilité de mener à bien les projets qu’elles sont censées documenter. Dès lors, quelle est l’utilité de certaines formes d’APD pour les populations ? »
Il est bon qu’un député français d’extrême droite de surcroît soit venu constater sur le terrain ce que nous dénonçons dans nos colonnes depuis des années à savoir qu’aux Comores, la France donne d’une main et reprend de l’autre.
L’impact de l’aide publique française sur le développement économique et social des Comores est un sujet qui suscite des opinions mitigées. D’une part, l’APD contribue à financer des projets dans des secteurs clés tels que la santé, l’éducation et l’eau potable. D’autre part, certaines initiatives soulèvent des questions quant à leur pertinence et leur efficacité.
« Certains projets paraissent indéniablement bénéfiques. À cet égard, on mentionnera, par exemple, un projet d’appui au secteur de la justice, consistant en la formation de magistrats et de greffiers locaux (2,5 millions d’euros, dont 1,1 million déjà décaissé), un projet de santé communautaire mis en œuvre par la Croix Rouge (2 millions d’euros entièrement dépensés) ou encore le développement de l’accès à des services durables d’eau potable sur l’île d’Anjouan (5,7 millions d’euros, dont 5,6 millions décaissés). »
Plusieurs critiques sont formulées à l’encontre de l’efficacité de certains projets. Par exemple, le programme d’appui à la mise en place d’une assurance maladie généralisée, d’un montant de 16 millions d’euros, est jugé inadapté à un pays dont l’économie est largement informelle, l’état civil rudimentaire et où la corruption est élevée.
De même, les projets de promotion des activités sportives et de renforcement des partenariats avec les diasporas comoriennes suscitent des interrogations quant à leur pertinence.
Le rapport souligne que certains projets, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation, peinent à atteindre les populations. L’hôpital public de Mitsamiouli, rénové par l’AFD, est peu fréquenté et le personnel médical est quasi-invisible. De même, les écoles primaires publiques rénovées grâce à l’APD sont souvent vides selon le rapport. L’essor des structures privées dans les domaines de la santé et de l’éducation aux Comores en général et à Ngazidja en particulier, semble concurrencer les structures publiques financées par l’APD française.
D’autres projets manquent de viabilité économique. C’est le cas de la briqueterie soutenue par l’AFD au sud de Moroni, dont le coût de production est supérieur à celui du parpaing utilisé dans l’archipel.
Selon le rapport de Guillaume Bigot, La France rencontre plusieurs difficultés dans sa gestion des flux migratoires provenant des Comores, un sujet abordé dans le contexte de l’aide publique au développement et de ses implications géopolitiques.
L’Etat Français tente de coopérer avec les Comores pour endiguer ce phénomène migratoire. Le « plan de développement France-Comores » (PDFC) prévoit une aide de 150 millions d’euros sur trois ans en échange d’efforts des Comores pour lutter contre les départs et faciliter les réadmissions. Cependant, la coopération reste complexe.
Les garde-côtes comoriens, équipés de bateaux intercepteurs financés par les Émirats arabes unis, interceptent un certain nombre de « kwassas ». Cependant, environ 20% des traversées ne sont pas détectées. De plus, seuls trois intercepteurs sur dix sont opérationnels, les autres étant endommagés.
La surveillance de la zone de traversée entre Anjouan et Mayotte est rendue difficile par des problèmes techniques. Les deux radars qui couvraient 80% de la zone ont été endommagés et un seul a été remplacé. Il en faudrait trois pour une couverture totale.
Malgré cela « Ce plan est considéré comme un succès par les autorités françaises. Elles estiment entre 7 000 et 8 000 le nombre de départs empêchés chaque année par les garde‑côtes comoriens. »
Selon le rapport du parlementaire, l’ambassade de France aux Comores est confrontée à un nombre important de demandes de visas, dont beaucoup sont motivées par une volonté d’immigration définitive. Le service consulaire doit gérer une importante fraude documentaire (faux papiers, mariages blancs, etc.).
« Le nombre de visas sollicités est compris entre 6 000 et 7 000 chaque année, pour une population comorienne estimée à 850 000 habitants. 2 000 visas environ sont délivrés annuellement, dont approximativement 500 visas étudiants. »
La visite de Guillaume Bigot aux Comores, lui a permis d’ouvrir les yeux sur une autre réalité méconnue par la classe politique française et mahoraise, qui menace de couper les aides de la France aux Comores, c’est que l’Etat comorien a à sa disposition une aide multilatérale qui est de l’ordre du triple de celle de la France, comme le souligne le rapport.
« la seule comparaison de notre aide à celle servie par les organisations multilatérales 746 millions d’euros contre 252 pour la France, suffit à faire comprendre que, même aux Comores où nous avons souhaité marquer les esprits, notre APD est diluée. »
Le député du Rassemblement national constate avec amertume que l’aide de la France ne fait pas le poids face à celle qu’apporte le reste du monde aux Comores. Une gifle sévère, d’autant que sa Cheffe Marine Le Pen avait exprimé sa volonté de faire du chantage à l’aide publique envers notre pays, une fois élue présidente. Elle avait promis de « tordre le cou aux Comores ».
Le RN et certains populistes Mahorais découvrent donc que même si la France coupait son aide de 252 millions dont seulement 60 millions ont été versés en cinq ans sur lesquels 50 millions ont bénéficié à des structures françaises et non à la population comorienne. Cela ne changerait absolument rien au fonctionnement de l’Etat comorien.
Autre fait surprenant dans ce rapport c’est que l’on apprend que le premier pays bénéficiaire de l’aide française est le Maroc. Pourtant sur les 1320 laisser-passer consulaires LPC demandés par la France, le royaume chérifien n’en a accepté que 357 malgré 620 millions d’aides versées.
Il est étonnant que la député Estelle Youssouffa qui a fait récemment le voyage au Maroc avec Emmanuel Macron, n’a jamais émis la moindre critique envers ce pays, mais crie au scandale quand les Comores n’accueille « que » 22 000 expulsés. 357 expulsions en échange de 620 millions ne semble pas choquer outre mesure cette grande souverainiste devant l’éternel.
On comprend que ses convictions et sa défense de la France sont à géométrie variable, au gré des groupes d’intérêts dont elle sert. Le patriotisme n’est qu’une façade.
En conclusion, l’impact de l’aide française sur la population comorienne reste peu visible, contrairement à l’aide chinoise qui est mise en avant de manière plus ostentatoire et plus efficace. Il est difficile de comprendre, par exemple, qu’avec 8 millions de dollars la Chine soit capable de construire un hopital flambant neuf de 120 lits à Bambao Mtsanga mais qu’avec 150 millions d’euros la France se contente de rénover des écoles et des chambres d’hôpitaux. Un travail digne d’une ONG ou d’une association villageoise.
Comment comprendre que le problème numéro un des Comores, qui est l’absence d’électricité stable, ne bénéficie d’aucun financement sur ces 150 millions et qu’il a fallu que ce soit le secteur privé français avec le groupe Innovent qui ouvre une centrale solaire? Ironie du sort c’est grâce à l’intervention de l’ancienne ambassadrice de France, Jacqueline Bassa Mazzoni que ce projet a vu le jour.
Ces exemples mettent en lumière la nécessité d’une meilleure évaluation de l’impact des projets d’APD française et d’une plus grande adaptation aux besoins et aux réalités du contexte comorien.
Mohamed Moussa Alcomorya
Voir le droit de réponse de l’Equipe France aux Comores sur cet article http://alcomorya.com/2024/11/20/droit-de-reponse-de-la-france-a-larticle-sur-linefficacite-de-son-aide-publique-aux-comores/
