
il n’y aura d’état de grâce pour la nouvelle équipe gouvernemental. À peine nommée, voici que le pays fait face à une gronde sociale, sous forme de grèves multisectorielles.
Le mercredi 17 juillet, il était difficile de se déplacer d’une localité à l’autre, le syndicat des transporteurs, Usukani wa Masiwa ayant débuté une grève dans les trois îles pour protester contre le mauvais état des routes, en refusant de payer la vignette. Les grévistes accusent l’administration fiscale de ne pas tenir ses promesses et exigent des négociations.
Le 18 juillet, les agents contractuels de l’hôpital El Maarouf entameront une grève de 72 heures à partir du 18 juillet. Ils réclament leur intégration dans la fonction publique, ou un alignement de leurs salaires sur ceux de leurs collègues fonctionnaires. Ils regrettent qu’un technicien en imagerie médicale touche 51 000 kmf.
Ils demandent également le paiement des primes de garde non versées depuis 6 mois, ainsi que de meilleures conditions de travail, notamment l’approvisionnement en eau et électricité: « L’Etat a investie 1,5 milliard dans un centre d’imagerie médicale flambant neuf, mais il est inutilisable à cause des coupures d’électricité car le groupe électrogène est en panne faute d’entretien. » regrette un membre du personnel soignant, rappelant que l’important n’est pas de construire des immeubles mais que cela doit s’accompagner d’une bonne gestion et une administration efficace.
L’union des coopératives des sites universitaires Unicom prévoit une manifestation le 22 juillet, afin d’appeler le gouvernement à rentrer en discussion avec le syndicat des enseignants de l’université des Comores Sneuc. Ce dernier réclame le paiement des arriérés de salaires ainsi que la mise en place du conseil d’administration de l’université, qui n’existe plus, depuis l’interférence du gouvernement Azali dans le processus de désignation en 2018.
Mardi 16 juillet, l’association des retraités comoriens a tenu une conférence de presse pour hausse le ton et faire entendre ses revendications, notamment le versement des arriérés et la revalorisation des pensions.
Tous ces syndicats reprochent aux autorités de faire la sourde oreille et de ne pas instaurer un véritable dialogue.
La question sociale longtemps négligée par les politiciens du pouvoir comme de l’opposition est en train de leur exploser à la figure. Le tout n’est pas de vouloir le pouvoir, encore faut-il savoir ce que l’on veut en faire.
La santé, l’éducation, les transports, les retraites, autant de sujets qui méritent une confrontation d’idées, de programmes et de projets entre les différentes forces politiques du pays. Car si le gouvernement s’illustre par son amateurisme et son incompétence, l’opposition elle se défile sur la question sociale en répétant qu’il faut déjà avoir un gouvernement légitime avant de parler de projets. Comme si on pouvait dire à un patient qui nécessite une opération chirurgicale, qu’il n’a qu’à attendre le jour où l’on rétablira l’ordre constitutionnel, pour enfin recevoir les soins adéquats. Ou dire à un étudiant qu’il n’a qu’attende d’un gouvernement issue des urnes, pour enfin décrocher son diplôme.
L’urgence sociale n’attend pas, elle se moque de la politique politicienne, elle nécessite une convergence des luttes, des syndicats jusqu’aux écuries politiques en passant par la société civile.
Souvent les politiciens de l’opposition critiquent le peuple lorsque celui-ci ne répond pas à leurs appels à manifester, mais ils oublient que l’inverse est également vrai. Pourquoi un agent contratuel d’El Maarouf, un enseignant, un retraité, un taxi, un employé de l’aéroport, répondrait à l’appel à manifester de partis politiques qui ne se sont jamais intéressés à leur sort, ni à leurs luttes, qui ne les ont jamais soutenu et n’ont jamais tenu une conférence de presse pour appuyer leurs revendications sociales et faire des propositions alternatives.
Cette grogne sociale est le premier test grandeur nature pour le nouveau gouvernement.
Mohamed Moussa AlComorya
