FranceAfrique: Un Colonel Français, contrôle-t-il les garde-côtes des Comores? 

Quelle mouche a bien pu piquer les garde-côtes comoriens pour qu’ils tirent sur une vedette transportant leurs propres concitoyens voulant se rendre à Mayotte? Un incident tragique s’est produit, dimanche 21 avril 2024, au large d’Anjouan. Une jeune fille de 29 ans, Nadia Mohamed, a été blessée par balle. 

Les images de la mohelienne luttant entre la vie et la mort pendant que les médecins l’ opèrent, ont choqué et bouleversé beaucoup de comoriens. Comment a-t-on pu en arriver là?

Le 23 avril, le procureur de la République de Mutsamudu, Mohamed Abdallah annoncait que l’auteur du tir a été arrêté et qu’une enquête est ouverte: « les agents de la garde côte ont voulu empêcher le passage de cinq vedettes de pêche transportant des passagers à destination de Mayotte, mais les passeurs refusant d’obtempérer, un élément de la garde-côte a procédé à des tirs de sommation ayant occasionné les blessures de Madame Nadia Mohamed » Telle est la version présentée par le parquet.

Intrigués par cet incident, nous avons également mené nos investigations pour tenter de comprendre, le mode opératoire de la Garde-côte comorienne et la chaîne de commandement. Les sources proches des garde-côtes que nous avons interrogées ont confirmé que les tirs de sommation sont dans leurs habitudes et qu’il n’y avait rien d’exceptionnel à cela.

Mais à notre grande surprise, durant les discussions, toutes nos sources, nous ont parlé d’un homme, un Colonel français, comme étant le véritable patron de l’ombre des Garde-Côtes comoriens. Il s’agit d’Eric Panloup, l’Attaché de Sécurité Intérieure à l’Ambassade de France aux Comores. 

 Dans les rangs de la grande muette comorienne, certains militaires supportent de moins en moins, ses ingérences. Ils accusent l’homme de faire la pluie et le beau temps dans l’armée nationale.  C’est un expert de la lutte contre la traite des êtres humains, en poste à Moroni depuis septembre 2020. Sa venue fait suite à la signature de l’Accord cadre de partenariat renouvelé entre la République Française et l’Union des Comores, datant du 22 juillet 2019.

Ce document signé lors de la visite d’Azali Assoumani à Paris, est qualifié de haute trahison par l’opposition comorienne. Les milieux patriotiques comoriens n’hésitent pas à parler d’une vente de la souveraineté nationale en échange de 150 millions d’euros. Ils y voient une résurgence de pratiques dignes des heures les plus sombres de la FranceAfrique.  

En effet, cet accord prévoit une présence française sur le sol comorien pour lutter contre la traite d’êtres humains, un terme pudique et diplomatique pour désigner les kwassas transportant des comoriens  se rendant à Mayotte.

 « Les autorités françaises et comoriennes renouvellent leur intention de mettre en œuvre conjointement, dans les meilleurs délais, un plan de coopération franco-comorien pour la lutte contre les trafics d’êtres humains. Ce plan sera mis en place par les services comoriens compétents avec l’appui de l’expert technique français déployé auprès du ministre de l’Intérieur comorien, de l’attaché de défense et de l’attaché de sécurité intérieure auprès de l’Ambassade de France à Moroni et en lien avec la préfecture de Mayotte« 

La mission du Colonel Panloup dans notre pays, il l’annonce lui-même clairement en août 2021:  » L’ensemble du Service de sécurité intérieure (SSI) des Comores est mobilisé pour apporter son aide sur cette problématique au 101e département français, en participant à la prévention des départs, pour contribuer à réduire les flux et donc cette pression migratoire, source de tensions à Mayotte. »

Azali Assoumani mène donc un double jeu. D’un côté, il clame dans les médias français que « Les Comoriens sont chez eux à Mayotte« , mais en sourdine,  il collabore activement à ériger une frontière dans le bras de mer qui sépare Anjouan des côtes mahoraises.


On dit que la main qui donne est celle qui ordonne. Si ce dicton est vrai, la main d’Eric Panloup donne beaucoup à la garde-côte puisque c’est lui qui fournit le carburant, achète les moteurs et assure l’entretien des 10 intercepteurs que les Émirats Arabes Unis ont offert aux Comores, en décembre 2020.

Les fonds utilisés pour entretenir les garde-côtes proviennent de la DCSD (Direction de la Coopération de sécurité et de défense). Grâce aux moyens financiers obtenus il a pu dépêché aux Comores, trois experts. 

Un sous-officier du Corps de soutien technique de la gendarmerie française pour la maintenance des vedettes. Le second est un commandant de police, expert technique qui au sein du ministère de l’Intérieur a formé des enquêteurs sur le trafic de migrants. 

Le troisième est un autre expert technique, ayant rang de commandant de police, dont la spécialité est  la fraude de documents et la sécurité des aéroports. Il a permis de mettre en œuvre un dispositif de contrôle à l’aéroport de Moroni, Prince Saïd Ibrahim, visant les embarquement frauduleuses vers la France hexagonale.

Ce n’est ni plus ni moins qu’une mise sous tutelle de l’appareil sécuritaire des Comores, sous prétexte de coopération.

Eric Panloup est devenu tellement puissant qu’il a même réussi à obtenir le départ du Colonel Mohelien Saïd Hamza qui était le Commandant des Garde-côtes.  
Mais l’ingérence française est telle, que le régime Azali avec la complicité de l’armée, ont cédé à Monsieur Panloup et ont fait sauter le Colonel Saïd Hamza,  qui n’est pas une personnalité lambda puisqu’il qui fut un temps, le Chef d’Etat Major de l’armée nationale. 

On comprend mieux pourquoi lors du tir qui a blessée la jeune Nadia Mohamed, les sources proches des garde-côtes ont désigné Éric Panloup comme étant le véritable patron. « S’il se vante des bons résultats des garde-côtes, qu’il assume aussi lorsqu’il y a des bavures » nous a-t-on confié.
Pour les besoins de cet article, et des raisons d’objectivité, nous avons contacté les services de l’Ambassade de France aux Comores, afin de recueillir leur réaction face à ces accusations et avoir leur version. Nous avons obtenu que cette réponse laconique : 
« Les garde-côtes comoriens ne sont bien sûr pas sous l’autorité de l’ambassade de France. Ce corps relève de la seule autorité de l’Etat comorien. »

Si Éric Panloup a ses détracteurs, d’autres militaires comoriens louent son efficacité dans la mise en place d’actions de coopération. Certains rappellent que c’est notamment sous son impulsion que la Gendarmerie nationale a repris les formations en France. 

On peut dénoncer à hue et à dia, cet impérialisme décomplexé de la France, mais le premier responsable de cette recolonisation qui ne dit pas son nom, est le régime d’ Azali Assoumani qui en signant cet accord de 2019, a clairement introduit le Panloup dans la bergerie. 

Azali Assoumani aura beau organisé des cérémonies d’investiture grandiose, il ne gagnera jamais le respect de ses pairs présidents avec un tel comportement d’Etat vassal. 

Comment un pays qui se targue d’être indépendant peut accepter qu’un colonel étranger règle la facture du carburant des vedettes qui contrôlent ses eaux territoriales? 
Le plus triste, c’est que cela ne se limite pas qu’aux garde-côtes puisque certains véhicules de la police et de la gendarmerie à Anjouan, ont été acheté par Éric Panloup et reçoivent du lui leur carburant. Quelle honte!

Les hauts gradés de l’AND qui dénonçaient, à juste titre, le fait que l’ancien président Sambi maintienne aux Comores  des militaires libyens et soudanais, font aujourd’hui ce qu’ils dénonçaient hier. 

La figure d’Eric Panloup laisse planer le spectre du retour d’une ère que l’on pensait révolue. Elle ravive les mauvais souvenirs de la période Bob Denard, même si le contexte est complètement différent. 

Nous devons maintenir de bonnes relations de coopération avec la France, mais sans jamais brader notre souveraineté nationale. Les garde-côtes des Comores n’ont pas pour vocation d’aider la France à ériger une frontière imaginaire entre Anjouan et Mayotte et ainsi soutenir l’ occupation illégale de cette île Comorienne selon le droit international et les résolutions de l’ONU. 


Si le gouvernement comorien se souciait de la sécurité en mer et des dangers causés par les kwassas, ces mêmes garde-côtes ne seraient pas présents à Shindini pour superviser le transport de passagers en kwassas, en provenance et à destination de Moheli en toute légalité.

Admettre que traverser Moheli à Ngazidja en Kwassa est légal mais le faire d’Anjouan à Mayotte est illégal, revient pour le gouvernement Azali à reconnaître de facto que Mayotte est française. Une haute trahison.

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