Éditorial: La vraie bataille électorale est en 2025. Comment l’opposition peut prendre les rênes du pays, paralyser la présidence d’Azali, de façon légale.

La proclamation des résultats définitifs des élections 2024 par la Cour Suprême, a mis un terme aux minces espoirs de changement qui ont animé certains opposants.
Pour nous, qui avions qualifié ce scrutin de mascarade depuis le début, nous ne nous faisions que peu d’illusions quant à l’issue de ces élections jouées d’avance.
Nous avions prévenu qu’il s’agit d’une simple formalité pour le régime autoritaire qui dirige les Comores d’une main de fer.
Un soulèvement populaire est toujours possible, mais les réelles chances d’un véritable bouleversement politique pour l’opposition se trouvent dans les échéances électorales de 2025. Ce double scrutin législatives et communales est un rendez-vous qui suit un calendrier électoral qui n’a pas été entaché par la réforme constitutionnelle de 2018. Il n’est donc pas en rupture de l’ordre constitutionnel comme les élections de 2019 et 2024 nées de la décision d’Azali de changer la constitution pour rester au pouvoir.
Notre histoire politique démontre qu’il est difficile pour le parti au pouvoir d’obtenir une majorité. En 2004, la CRC d’Azali au pouvoir, n’a eu que 6 députés. En 2009, le Baobab la mouvance Sambiste au pouvoir, n’a obtenu que 16 députés sur 33. En 2015, l’UPDC d’Ikililou alors au pouvoir n’a obtenu que 8 parlementaires. En 2020, la CRC et alliés se sont octroyés tous les députés car l’opposition boycottait.
S’il y’a une possibilité reprendre la destinée du pays, elle passe par les législatives de 2025. Tous les candidats à la présidentielle se doivent de maintenir la dynamique qu’ils ont créé durant la campagne car dans six mois il faudra se jeter à nouveau dans une nouvelle bataille.
Décrocher une majorité à l’assemblée nationale, c’est rendre la présidence d’Azali Asssoumani impuissante. Avec sa propre constitution de 2018, le champs des possibles est vaste. Sans majorité, il ne pourra pas voter de loi de Finances et donc perdra toute crédibilité auprès des institutions financières.
La majorité des mesures que promettaient d’appliquer les candidats durant leur campagne, sont réalisables à travers des propositions de loi si l’opposition est majoritaire à l’Assemblée.
Il est même possible de reviser la constitution pour limiter les pouvoirs du président, puisque l’article 113 de la constitution dispose que « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de l’Union et au moins un tiers des membres de l’Assemblée de l’Union. »
Face au parti pris des forces de sécurité du pays, L’Assemblée peut voter une loi reformant l’Armée Nationale. En se basant sur L’Article 91 « La loi détermine les principes fondamentaux de l’organisation générale de la défense et de la sécurité nationale »
Cette législation, permettra de faire le ménage dans les rangs des militaires. Les hauts gradés réfléchiront à deux fois avant d’obéir aveuglément à Azali Assoumani, s’ils savent que les députés d’opposition ont leur mot à dire sur l’organisation de l’Armée et leur carrière personnelle.
Autre exemple, concernant le refus systématique de manifester les députés peuvent faire voter une loi garantissant la liberté de reunion, puisque l’article 89 leur permet de le faire. Toutes les initiatives de développement peuvent voir le jour sous forme de propositions de loi, qu’il s’agisse d’éducation, santé, retraites, énergie, tourisme…
Trop beau pour être vrai, me direz vous? Pourtant, faire élire des députés est une tâche beaucoup plus facile que décrocher Beit Salam. On dit que qui peut le plus, peut le moins.
Si l’opposition pense pouvoir gagner une présidentielle, comment va elle nous expliquer qu’il est impossible de gagner une simple circonscription?
Qui peut croire que Mouigni Baraka et Fahmi Said Ibrahim n’arrivent pas à décrocher pour l’opposition tous les postes de députés et maires dans l’itsandraya? Qui peut imaginer que Mamadou et Karihila réunis n’arriveraient pas à ravir les postes de députés et maires du Hamahamet?
Qui pense sincèrement que Juwa peut être battu à Mutsamudu? Qui peut douter des chances de Said Larifou de se faire élire à Fumbuni?
Bourhane Hamidou dans le Hambu ou Mzimba et Abdou Soeffou réunis peuvent-ils être battus dans le Mbadjini Ouest?
En ce qui concerne la sécurisation, il est plus aisée de contrôler une circonscription qu’une élection nationale. Et disons nous la vérité. Si un politicien qui veut diriger le pays est incapable de sécuriser quelques bureaux de vote de son village ou sa région, qu’il prenne sa retraite, car il n’a pas sa place sur la scène nationale.
Les politiciens comoriens méprisent les élections locales. Ce n’est pas le cas ailleurs. En France, par exemple, des premiers ministres comme Édouard Philippe ou Alain Juppé ne voient aucun mal à être élus maires, après avoir été chef de gouvernement d’un pays du G7.
Il existe 54 communes. Si L’opposition n’en décrochait que 10, cela fera 10 communes dans lesquelles des expériences de démocratie locale et de développement peuvent être menées avec le soutien actif de la diaspora politisée. L’occasion de montrer la différence de gestion entre les communes de l’opposition et celle de la CRC.
Des maires et des députés de l’opposition qui contestent un régime auront plus de leviers et légitimité pour instaurer un rapport de forces au sein des institutions, qu’un front commun ou CNT, ou tout autre structure.
Si tout cela se matérialise, ce sera le cauchemar pour Azali Assoumani qui sans majorité à l’Assemblée sera réduit à une sorte de président cérémonial, bon qu’à couper des rubans lors d’inauguration.
Tout cela, en restant dans le cadre républicain et institutionnel. Personne ne sera poursuivi pour complot ou déstabilisation, pour avoir voulu être député ou maire.
Si l’opposition refuse de s’unir pour dévitaliser le régime Azali en 2025, vous saurez, qu’il n’y a de leur part aucune once de sincérité et un mouvement nouveau de rupture avec cet establishment doit voir le jour pour relever ce défi dès maintenant.
