Entretien avec Hayatti Nasserdine, suite à sa nomination au poste de Directrice de la Banque Postale des Comores, une nouvelle institution financière issue de la scission de la SNPSF.

Hayatti Nasserdine a été nommé à la tête de la Banque Postale des Comores, par décret présidentiel le 31 août 2023. Nous avons pu nous entretenir avec elle à fin d’en savoir plus sur cette nouvelle institution financière, issue de la scission de la SNPSF.
Elle aura la lourde tâche, de faire oublier la triste réputation dont souffre La Société Nationale des Postes et Services Financiers. Depuis 2011, on estime à environ 700 millions kmf, l’argent qui y a été détourné. Il n’est donc pas étonnant que la SNPSF soit disloquée.
C’est pour accomplir cette lourde mission, que Hayatti Nasserdine a été choisie. Lors des élections de 2016, elle était la Chargée de communication du candidat Azali. Elle connaît parfaitement le secteur bancaire puisqu’elle était directrice des risques et de la conformité à la BFC (Banque Fédérale De Commerce). Elle est diplômée de l’université de Lille 3 en France. Interview:
Vous avez été nommée à la tête de la SNPSF, quel souffle nouveau comptez vous y insuffler?
HN: Tout d’abord, permettez-moi que je fasse une petite correction. Je n’ai pas été nommée « à la tête de la SNPSF » mais à la Banque Postale des Comores. C’est une précision qui semble anodine mais qui a tout son sens car la BPC est une nouvelle institution avec un Business process qui lui est propre. C’est une nouvelle page, tournée vers l’avenir qui va se construire sur les leçons du passé et l’ambition d’une institution de référence.
Merci pour les précisions utiles. Si je comprends bien la Banque Postale sera distincte de la SNPSF, celle-ci disparaîtra-t-elle ou continuera-t-elle sous une autre forme avec d’autres missions?
HN: Il ne m’appartient pas de m’exprimer sur le sort de la SNPSF. C’est là une question prématurée, posée à une personne non appropriée. Il appartient à l’Etat comorien de prendre les décisions appropriées en ce sens.
Quels sont les objectifs principaux que vous vous êtes fixés?
HN: Vous savez, pour l’heure, il est un peu prématuré de répondre avec aisance sur les objectifs de la BPC dans la mesure où je ne suis pas encore légitimement habilitée à m’exprimer au nom de la BPC. Cependant, j’ai la ferme conviction que la Banque Postale doit maintenir et renforcer ses atouts en héritage, les valoriser et en faire un levier de développement.
La clientèle se plaint souvent de la qualité du service surtout aux guichets, que comptez-vous faire pour améliorer et redorer le blason de la Poste?
HN: Comme je vous ai dit précédemment, la BPC est une institution nouvelle qui entend disposer de son propre Business Process et ses propres procédures. La clientèle peut être rassurée sur ce point.
Qu’est-ce que la population comorienne doit savoir au sujet de cette nouvelle banque et votre nomination à ce poste?
HN: J’ai envie de dire à la population comorienne de l’intérieur du pays qu’au terme de ces deux décennies où le pays est bancarisé avec la multiplication des banques et établissements de crédit, arrive enfin une banque avec une ambition inclusive. Une banque dans laquelle toute la population à sa place. Nous allons enfin tourner la page avec l’idée reçue, selon laquelle on a tendance à penser que la banque est réservée à certaines élites. La BPC se veut être la banque de tous les comoriens quel que soit le domaine ou le revenu. Tout le monde aura sa place.
Le deuxième message est pour les comoriens de l’extérieur. En tant que premier support de l’économie nationale, toutes les institutions prétendent accompagner cette communauté sans vraiment y mettre les outils appropriés pour faciliter leurs opérations financières, c’est là un défi de la BPC.
Mon troisième message, un peu personnel j’en conviens, est pour l’élite comorienne de l’extérieur. Moi même étant un enfant de la diaspora, j’ai été bersée par le préjugé selon lequel, il faut fuir les Comores. En vérité, les Comores ne se construiront pas sans nous, nos, efforts, nos sacrifices, notre apport de savoir et savoir-faire. Il ne faut pas attendre que l’on vienne nous chercher d’où nous sommes pour venir construire et servir le pays. Il ne faut pas attendre non plus que d’autres viennent de nulle part pour le construire.
Nous devons tous faire ce sacrifice. Prendre le risque de quitter une carrière prometteuse et un confort acquis à l’extérieur pour apporter ce savoir-faire dans notre. C’est seulement cela qui fera que nos enfants seront fiers de ce pays et auront envie d’y vivre.
Dernière question, malgré votre expérience dans le secteur bancaire, certains y voient une nomination politique dû à votre proximité avec le pouvoir. Que leur répondez vous?
HN: Vous savez, tout être humain a ses convictions, tout citoyen est emmené à faire des choix politiques. C’est un principe fondamentale pour tout pays qui prône la démocratie. A ceux qui seraient tentés de voir une nomination politique inappropriée dans cette nomination, sous prétexte qu’il y a de cela plusieurs années, j’ai exprimé publiquement mes convictions politiques, et bien je respecte humblement leur opinion tout en rappelant que depuis quatre ans que je me suis installée à Moroni avec des enfants en bas âge, j’exerce dans une banque du secteur privé.
Si le « Pouvoir » comorien (pour reprendre votre terme) avait besoin d’une nomination politique, je ne pense pas être la personne appropriée car sur les places publiques vous y trouverez bien des personnes qui pèsent politiquement ou qui ont des proches bien placés à bien des égards.
Je suis juste Hayatti. Une fille d’un village de Washili qui a eu l’extrême privilège de grandir et de travailler à l’extérieur et qui a la ferme conviction que le développement inclusif du secteur bancaire et financier comorien doit être placé au cœur de notre émergence. Je vous remercie.
