
Le 17 mai 2023 s’est tenu dans la capitale malgache, Antananarivo le 37eme Conseil des Ministres de la Commission de l’Ocean Indien.
Quelques jours auparavant, le Chef de la Diplomatie comorienne Doihir Dhoulkamal était à Stockholm pour prendre part au Forum ministériel de l’Union Européenne sur l’Indopacifique.
Ces deux événements se déroulent alors que la France a envoyé un corps expéditionnaire à Mayotte pour mener une opération appelée Wuambushu, contre des ressortissants comoriens dont la présence est jugée illégale sur cette île au cœur d’un différend territorial entre l’Union des Comores et La République Française.
Non loin de là, à 280 kilomètres de l’archipel, Totalenergies espère relancer en juillet 2023 son megaprojet gazier dans la région du Cabo Delgado au Mozambique, estimé à 16 milliards et qui est à l’arrêt depuis deux ans pour des raisons sécuritaires.
La guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie ont donné une importance nouvelle aux vastes ressources gazières, au large des côtes Mozambicaines, Tanzaniennes et Comoriennes, évalués à 500 milliards de mètres cubes.
Si jadis notre region était stratégique car située sur l’un des axes maritimes où transite 30% du transport de pétrole mondial, désormais, plus que jamais elle est devenue une zone géostratégique riche en hydrocarbures.
À l’aune de tous ces changements, il est temps que les Comores lancent une réflexion et prennent conscience de la nécessité d’adopter un nouveau positionnement géopolitique. L’heure est au changement de paradigme, une mise à jour du corpus idéologique de notre diplomatie est primordiale.
Aucune question ne doit être tabou, à commencer par savoir s’il faut rester ou non dans la COI, à l’heure où la France tente d’imposer Mayotte et que Les Seychelles, Madagascar et Maurice, n’osent pas lui tenir tête bien que ces deux derniers ont eux-mêmes des contentieux territoriaux avec leurs anciennes puissances coloniales, sur les Îles Eparses et Chagos.
L’ancien ministre des Affaires Étrangères Fahmi Said Ibrahim fut le premier à émettre l’idée que « La COI est notre passé, mais notre avenir est en Afrique de l’Est. »
Alors que la France adopte une attitude de plus en plus inamicale envers notre pays, avec un chantage à l’aide au développement, mesquin et dénué de toute classe,si nous restons dans cette organisation l’Etat Comorien risque de se voir dicter les désirs de Paris, qui finance à 40% le budget de fonctionnement de la COI.
Il est incroyable que quatre états indépendants se soumettent aux caprices de la France parce que celle-ci verse 500 000 euros sur les 1,4 million d’euros de budget annuel, or il suffit de diviser cette somme par cinq et que chaque pays membre verse 280 000 euros. Sur ce point, la diplomatie comorienne doit cesser sa fâcheuse manie d’accumuler les retards dans ses cotisations, il en va de la crédibilité de notre nation.
La présence de la France dans la COI, fausse la coopération. Là où, la logique d’intégration régionale exige de tendre vers la libre circulation des biens et des personnes, les français s’y opposeront à coup sûr.
Rester dans cette organisation, c’est être prisonnier d’une politique schizophrénique, qui érige le visa Balladur et rejette tout rapprochement avec les Comores d’un côté, et de l’autre qui exige que Mayotte intègre une organisation dont le but est la coopération économique, sécuritaire, sportive et sanitaire entre les Etats membres dont les Comores. Imaginez demain, une coopération sur la sécurité maritime, les mahorais accepteront t-ils que les militaires comoriens se déploient sur l’île?
Ce tête à tête infructueux avec la France doit cesser. Les grandes puissances telles que les Etats-Unis, La Chine et La Russie, souhaitent renforcer leurs partenariats avec les Comores. Si Paris est un partenaire historique que l’on doit garder, il faut en finir avec l’idée que les Comores doivent demeurer ad vitam æternam
un pré carré de qui que ce soit. Nous devons nous ouvrir à d’autres horizons.
Djibouti a su tiré profit de sa position géographique proche du détroit de Bab El Mandeb où transite le pétrole de la péninsule arabique, pour abriter des bases militaires de la France, les États-Unis, La Chine, le Japon et le Royaume-Uni, entre autres, ce qui lui rapporte des revenus substantiels.
56 millions € pour la base américaine, 30 pour la française, 17 pour la chinoise, 22 pour l’italienne et 3 pour la japonaise, soit 128 millions d’euros par an dans le budget national djiboutien.
Le second tabou qui doit être levé est celui de permettre l’installation de bases militaires, exemple une sur chacune des 3 îles. Pour ne pas tomber dans la domination d’une puissance, il serait judicieux d’autoriser des nations aux intérêts divergents comme la Chine, les États-Unis et la Turquie d’installer leurs bases militaires pour un bail de 10 ans donc limité dans le temps.
Les recettes engendrées seront une bouffée d’oxygène pour l’état comorien et cette initiative contrebalancera la présence disproportionnée de la France dans la région qui a tendance à la rendre arrogante. Le but n’étant pas de nuire à ses intérêts puisque les États-Unis, la Turquie et la France sont alliés dans l’OTAN et la Chine est le pays qui a le plus investi aux Comores en termes d’infrastructures, ça ne serait que justice que de l’accueillir les bras ouverts.
Les Comores sont un des pays les plus francophiles de la planète et cela ne changera pas d’aussi tôt. 150 ans de colonisation ne s’effacent pas d’un revers de la main. Mais nous voulons être des amis et non des soumis.
En relations internationales, les États n’ont ni alliés, ni ennemis permanents, ils n’ont que des intérêts permanents. Si la France décide de nuire aux nôtres, que nous pensions à d’autres façons de préserver nos intérêts nationaux, c’est de bonne guerre.
Mohamed Moussa AlComorya
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