Sambi: que retenir du procès de la citoyenneté économique | Al Comorya

Lundi 21 novembre 2022, a démarré au Palais de Justice de Moroni, le procès de l’ancien Président de l’Union des Comores, Ahmed Abdallah Sambi et de plusieurs autres accusés notamment les deux anciens vice-présidents Mohamed Ali Soilihi et Nourdine Bourhane. Un autre personnage clé Bacar Dossar, ancien directeur de Cabinet de Sambi et ex ministre des finances, était également jugé. Ils sont accusés de haute trahison, pour leurs rôles dans le programme de citoyenneté économique.

Le procès tant attendu sur l’affaire de la citoyenneté économique, s’est tenu, du lundi 21 au jeudi 24 novembre 2022, au palais de justice de Moroni. Le verdict sera rendu le mardi 29 novembre. Rappelons qu’aucun recours n’est possible en cas de condamnations par la Cour de sûreté de l’Etat. 

Lundi, c’est sous escorte militaire que le détenu le plus célèbre des Comores, Ahmed Abdallah Sambi est arrivé à l’audience titubant, affaibli et amaigri par plus de quatre ans de détention provisoire.

Son état de santé alarmant, a poussé son avocate Fatima Ousseni à demander à ce qu’il soit permis à son client de se soigner avant de pouvoir comparaître.

Demande que le Commissaire du gouvernement  Djounaid Ali Mohamed a contesté, estimant que dans certains pays, on juge les accusés même en fauteuil roulant.

L’avocat de la partie civile, Éric Sossa abonde dans ce sens en rappelant que des personnes gravement malades ont été jugées lorsque Ahmed Abdallah Sambi était président. « Est-ce une vendetta ou un procès? » se demandent certains sambistes.

Au final, le juge Omar Ben Ali qui préside cette Cour rejeta la demande sous prétexte qu’aucun certificat médical n’était présenté.

Défense de rupture, Sambi se retire

Après concertation avec ses avocats, l’ex Rais Sambi, a pris la parole de force, dans un coup d’éclat qui rentrera dans l’histoire, il a dénoncé le mauvais traitement qu’il subit depuis sa mise en détention en 2018.

« Mes droits n’ont jamais été respecté. On m’a dit que cette cour est illégale, alors je me retire car je ne peux pas vous aider à violer mes droits dans une cour illégale avec un juge illégal »

Son équipe d’avocats composée de Maître Ahamada Mahamoud, Fahmi Said Ibrahim, la franco-comorienne Fatima Ousseni, le français Jean-Gilles Halimi et le belge Jan Fermon, a donc choisi pour stratégie, ce qu’on appelle une « défense de rupture » qui a été popularisée par le célèbre Maître Vergés et qui consiste à remettre en cause la légitimité de la juridiction.

Il est vrai que la Cour de Sûreté de l’Etat est une juridiction d’exception dont l’existence même, provoque des débats interminables entre juristes comoriens.

Si l’on peut comprendre les appréhensions de l’ancien Chef de l’Etat et ses doutes quant au caractère équitable de son procès, on ne peut que regretter qu’il se mure dans le silence après quatre longues années sans prise de parole.

En droit, la haute trahison est une infraction politique. Il n’échappe à personne qu’il s’agit d’un procès politique. Alors il est étonnant que l’ex Rais Sambi n’ai pas saisi cette tribune de quatre jours pour marquer des points politiques contre le régime Azali.

Connu pour sa verve et son répondant, à n’en point douter, il aurait pu tenir la dragée haute à ses accusateurs. Mais surtout il aurait permis de faire la lumière sur le sort des millions de dollars engendrés par la vente des passeports comoriens.

Si cela avait peu de chance de le blanchir auprès de la Cour de Sûreté, l’opinion publique, le peuple comorien qui suit avec ferveur ce procès aurait au moins eu des explications et se serait faite sa propre idée.

On peut donc s’interroger sur le bien fondé de cette défense de rupture adoptée par ses avocats, qui a été interprété comme du mépris par le commissaire du gouvernement Djounaid Ali Mohamed, dans son réquisitoire.

Le silence de Sambi est sans conséquence pour le gouvernement. Par contre on sait quels dégâts en terme politique  ses paroles auraient pu provoquer. A qui profitera son mutisme? 

Dans combien d’années aura-t-il une occasion similaire de laver son honneur, s’adresser à la nation, lever les soupçons légitimes que des citoyens lambdas ont sur lui? 

En laissant le champ libre à ses accusateurs, sans possibilité de se défendre ne risque t-il pas de perdre la sympathie de comoriens perplexes qui se demandent pourquoi, il a autorisé que de l’argent des Émirats Arabes Unis à destination des Comores, transite par des paradis fiscaux comme le Bélize? Peu importe la nature de la juridiction, le devoir de vérité est absolu.

Dossar et Nourdine Bourhane, s’expliquent à la barre

Deux anciens collaborateurs de Sambi, Mohamed Bacar Dossar et Nourdine Bourhane, qui étaient défendus par Maître Itibar et Moncef Said Ibrahim ont adopté une autre stratégie qui consiste à venir s’expliquer devant la justice.

L’ancien vice-président Nourdine Bourhane a été autorisé à partir se soigner à l’étranger, il aurait pu y rester mais il a préféré revenir pour être jugé. Idem pour Dossar qui aurait pu prendre la poudre d’escampette par kwassa mais a choisi d’assumer ses responsabilités. 

Sur deux points Dossar s’est retrouvé en difficulté, il confirme qu’un avion est arrivé de nuit avec des iraniens à bord qui ont apporté des valises remplies d’argent, au Président Sambi à Beit Salam, mais affirme qu’il ignorait tout de cette mission bien qu’il était le Directeur de Cabinet Chargé de La Défense.

Il a également indiqué qu’il a signé un accord apporté par Bashar Kiwan tout en ignorant le contenu car il était rédigé en arabe. Une légèreté dans la gestion des affaires de l’Etat qui laisse pantois.

Malgré leurs erreurs passés et leurs défaillances à certaines occasions, les deux accusés sont deux grands commis de l’Etat, au service de la nation comorienne depuis leur tendre jeunesse.

Comme le rappelle Nourdine Bourhane, tous deux étaient membres du comité national populaire dans la « République des imberbes » d’Ali Soilihi dont le siège, ironie du sort, était dans la salle d’audience dans laquelle ils sont jugés.

Le jeudi 24 novembre, le commissaire du gouvernement Djounaid a requis la prison à perpétuité contre Ahmed Abdallah Sambi et Mohamed Ali Soilihi Mamadou.

Il a demandé 24 mois avec sursis contre Dossar et Nourdine Bourhane. La Cour rendra son verdict mardi 29 novembre 2022.

L’affaire dans l’affaire : Kiwan accuse Dhoulkamal

Au cours du procès une affaire dans l’affaire a éclaté. En effet, le sulfureux Bachar Kiwan a accusé le ministre des affaires Étrangères Doihir Dhoukamal de l’avoir contacté pour qu’il accable Sambi en échange d’un abandon des charges qui pèsent contre lui.

Des photos de Kiwan déjeunant avec Dhoulkamal circulent sur internet. Le chef de la diplomatie pris dans la tempête a reconnu avoir rencontré l’homme d’affaire Franco-Syrien. Il affirme qu’il s’agissait pour lui d’un moyen d’apporter des preuves contre Sambi.

A ceux qui lui reprochent d’avoir accepté que Bashar Kiwan paye son hôtel et ses restaurants, il répond que ce n’est pas si grave puisque l’argent de Kiwan est celui qu’il a volé aux comoriens. Une réponse lunaire mais qui n’étonne pas de la part de cet homme qui est accusé de fraudes aux prestations sociales sur l’Ile de la Réunion.

Avec ces révélations embarrassantes, le gouvernement se retrouve gêné aux entournures, cette tentative de subornation de témoin si elle se confirme, ne fera qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui clament qu’il s’agit d’une cabale contre Sambi et que le gouvernement n’en a que faire de la manifestation de la vérité.

La présidence s’est fendue d’un communiqué pour tenter de se dissocier de ce scandale dont elle se serait bien passé. La coordination de Ngazidja du parti présidentiel CRC a tenu une conférence de presse, mené par le député de Moroni Abdou Said Mdahoma, pour se désolidariser des personnes impliquées.

Le parti Radhi a publié un communiqué pour nier les accusations à l’encontre de Houmed Msaidie, lui aussi cité parmi les ministres ayant été en contact avec Kiwan au même titre que le ministre de la Justice Djae Ahamada Chanfi.

Il y a péril dans la demeure. Qui prendra au sérieux le verdict de la Cour de Sûreté si trois ministres du gouvernement actuel sont accusés d’être en connivence avec le cerveau et initiateur de la citoyenneté économique, qu’ils décrivent comme un mafieux.

Le Chef de la Diplomatie comorienne peut-il rester à son poste après avoir reconnu avoir mangé et dormi dans un hôtel dont les frais ont été payés par Bashar Kiwan?

Mohamed Moussa AlComorya




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