Faut-il casser le monopole de l’ONICOR sur l’importation de riz? | AlComorya

Les temps sont dures pour l’Office Nationale d’Importation et de Commercialisation du Riz. Ils le sont encore plus pour le citoyen lambda obligé de faire de longues files d’attente pour trouver cette céréale devenue, l’aliment de base aux Comores.

Opération de déchargement de riz de l’ONICOR au port de Moroni

La société d’État ONICOR est au bord de la faillite. Mais que l’on ne vous y trompe pas. La pandémie et la guerre en Ukraine n’y sont pour rien. Il suffit de tendre l’oreille et d’écouter attentivement ce que nous dit son Directeur Général, Miroidi Abdou, pour comprendre les réelles causes de ce marasme. A de nombreuses reprises il a affirmé que depuis avril 2018, la société vend à perte.

Pourquoi une entreprise est position monopolistique, donc sans aucun concurrent peut-il vendre un produit à perte? La réponse est purement politique. En 2018, Azali s’apprêtait alors à modifier la constitution par référendum en juillet et organiser des élections anticipées dans la foulée en 2019. Par conséquent, pour faire grimper sa popularité, il prend des mesures populistes à l’approche de ces échéances électorales. 

La Vice-Présidence en charge de l’Economie et le Ministère des Finances et du Budget ont signé un arrêté conjoint portant adoption d’une nouvelle structure de prix du Riz Ordinaire de l’ONICOR. Le kilo passe de 400 à 300 fc. Des années durant, la société tente de survivre avec ce manque à gagner. 

Ce fut une décision strictement politique qui n’avait aucun sens d’un point de vue économique, car un rapport de la cour des comptes sur la période allant de 2014 à 2017 tirait la sonnette d’alarme sur la fragilité de cette entreprise publique.

C’est donc cette baisse irréfléchie, doublée d’une gestion calamiteuse, que la population comorienne paye aujourd’hui au prix fort. D’autant plus qu’au lieu de réduire la Taxe Unique qui est de 40 000 fc par tonne de riz, le gouvernement l’a maintenue. Or une diminution aurait permis à l’ONICOR de limiter les dégâts. Il a fallu attendre juillet 2022 pour que les autorités reviennent sur leur erreur et rétablissent le prix du riz à 400 fc le kilo. 

Si nous en sommes là, c’est uniquement dû à l’incompétence et l’absence de vision à long terme du gouvernement. Il est donc surprenant d’entendre certains opposants valider la posture des autorités qui prétextent que la pénurie est due à la guerre en Ukraine et que l’opposition doit s’asseoir, discuter avec Azali pour trouver des solutions. 

D’autres préconisent de casser le monopole sur l’importation de riz. Mais est-ce vraiment la solution? Chaque année l’ONICOR importe entre 55000 et 60 000 tonnes de riz. Sachant que sur le marché international, la tonne est aux environs de 450 euros, il faudrait 27 millions d’euros soit plus de 13 milliards de nos francs pour assurer notre approvisionnement annuel. 

Disons nous la vérité. Peu pour ne pas dire aucun opérateur économique aux Comores n’a les reins assez solides pour supporter financièrement cette lourde tâche. Il y a de nombreux secteurs où il n’existe pas de monopole, comme le ciment, la volaille, la farine… Nos importateurs n’y arrivent pas et ont eu besoin des 5 milliards du fonds de garantie de l’État pour pouvoir s’en sortir et éviter les pénuries. 

Si le secteur privé ne parvient pas à nous approvisionner pour les produits qui ne sont soumis à aucun monopole, il est absolument illogique de penser qu’il pourra le faire pour le riz. Le risque est que nous nous retrouverons avec des sociétés étrangères qui viendront assurer l’importation de riz au détriment des comoriens, comme Lafarge le fait actuellement pour le ciment.

L’argument selon lequel, en cas de libéralisation du marché, l’État continuera à toucher les mêmes sommes grâce à la Taxe Unique, qui ne changera pas,ne tient pas. Car il ne bénéficiera plus des dividendes, qui composent une grande partie des recettes internes non fiscales. Ce qui provoquera une baisse dans notre budget national.

L’ONICOR a été créé par Ordonnance du Président Ahmed Abdallah Abderemane le 20 février 1982. Ce monopole est vieux de 40 ans. Le débat sur la libéralisation de ce marché ne date pas d’aujourd’hui. Le Président Ahmed Abdallah lui-même était un des trois principaux importateurs de riz du pays avec Mohamed Ahmed et Kalfane depuis les années 60. En établissant le monopole d’Etat, il a privilégié l’intérêt général au détriment de son intérêt personnel. 

Les propositions actuelles vont dans le sens inverse. Enrichir encore plus un petit groupe de riches importateurs au détriment du budget national. C’est ce qui s’est passé à Anjouan durant la période séparatiste. Certes l’approvisionnement en riz était assuré de manière efficace, mais la manne financière qui en découlait a permis d’enrichir un petit groupe de commerçants et appauvrir les caisses du trésor public. 

En août 2012, le gouverneur d’Anjouan, Anissi Chamsidine avait annoncé qu’il suspendait le monopole de l’ONICOR sur l’île, après une pénurie durant le mois de ramadan. Il s’était lancé dans un bras de fer avec le président Ikililou Dhoinine sur la question.

 Nous devons nous garder des solutions simplistes des « y a qu’à, faut qu’on ». Rappelons- nous que c’est la mesure courtermiste et populiste d’Azali de baisser le prix du riz sans réfléchir aux conséquences, qui a engendré la situation désastreuse actuelle.

Il n’y a pas de recette miracle, seule une gestion saine et une orthodoxie financière sauveront nos entreprises publiques. La solvabilité des sociétés doit primer sur les considérations politiques. Pour cela, elles doivent être confiées, non pas à des copains en récompense de leur loyauté, mais à des technocrates compétents en la matière.

Ce qui a été fait pour les coelacanthes dans le football, doit être dupliquée pour les sociétés d’État. Nous devons faire appel au savoir faire des comoriens de la diaspora sur la base de la méritocratie pour venir servir la nation aux côtés de ceux de l’intérieur.

Notre pays regorge de talents, comme Karima Silvent, Directrice des ressources humaines du groupe AXA numéro deux mondiale des assurances avec 170 000 employés.

C’est à ce genre de profil, par exemple, que l’on doit confier des compagnies générant des chiffres d’affaires de 30 à 50 millions d’euros et non à Miroidi, Idaroussi ou Chayhane, qui n’ont aucune compétence autre que le fait d’être des proches d’Azali Assoumani.

Mohamed Moussa AlComorya



Catégories :Eco & Finances, Edito & Opinions, Infos & actu

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2 réponses

  1. Faire appel au savoir faire des comoriens de la diaspora, pourquoi, mais pour accompagner et former les locaux qui le demandent ou le voudront bien.

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  2. Faire appel au savoir faire des comoriens de la diaspora, pourquoi pas, mais seulement pour accompagner et former les locaux qui le demandent ou le voudront bien.

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