Lors d’un discours dans une cérémonie de mariage, l’Ambassadeur des Comores à l’UNESCO, Mohamed Bajrafil, a tenu des propos, qui font couler beaucoup d’encre.

Alors que de nombreuses personnalités politiques de tous bords et militaires notamment le Chef D’Etat Major, Issouf Idjihadi étaient dans la salle, il s’est adressé aux opposants au régime d’Azali Assoumani, en les avertissant de ne pas menacer la paix dans laquelle se trouve le pays.
« je m’adresse à mes aînés et mes frères qui font de la politique mais qui sont dans d’autres camps (walio harimwa mpande zindrwadji)»
D’emblée de par ces mots, il se situe clairement dans une posture partisane, tombant dans le piège du « nous » contre «eux ». Pourtant un Ambassadeur est supposé représenter toute une nation et non un camp politique.
Il poursuit en disant «Ne jouons pas avec la paix de ce pays. Car si un conflit se déclenche, je le jure par Dieu Tout Puissant, il finira en ruine très rapidement, car nous ne sommes pas nombreux. Si on commence à s’entretuer, si quelqu’un tue mon oncle Chef d’Etat Major, je ne le lâcherais pas. J’irais lui faire la même chose et le pays sera perdu.»
Ces propos sont problématiques à plus d’un titre. On ne reconnaît plus le Bajrafil prônant le pardon et la tolérance. Le temps des beaux discours semble révolu. Désormais c’est la loi du talion qui est prônée. L’intellectuel universaliste cède peu à peu le pas à un militant à l’esprit clanique.
Lorsqu’il a été nommé Ambassadeur, j’ai écrit un article pour saluer cette nomination, car son parcours laissait espérer qu’il représentera dignement notre pays dans le concert des nations et qu’il aura l’intelligence de servir son pays et non un pouvoir. Je disais:
« Si demain Bajrafil se transforme en défenseur du régime Azali, alors, oui il sera justifié de l’indexer et je serais de ceux qui le critiqueront car il sera devenu un serviteur d’un gouvernement et non de l’Etat. »
C’est donc en toute objectivité qu’aujourd’hui, je déplore qu’il ait choisi de servir un clan, celui de son tonton Chef d’Etat Major et son allié Azali.
Si son invitation à sauvegarder la paix et la tranquillité du pays est louable, elle le serait encore plus si elle s’adressait à toutes les tendances y compris ceux qui détiennent tous les leviers du pouvoir. Mais le fait d’avoir pris pour cible l’opposition, comme si, le régime n’avait aucune intention belliqueuse, est un parti pris condamnable.
Bajrafil ignore t-il ou fait-il semblant d’ignorer que des morts, il y en a déjà?
Ne sait-il pas que le Major Hakim Bapale était l’oncle de quelqu’un, et qu’il est mort, succombant, à ce qui s’apparente à de la torture dans une des casernes de l’armée de son oncle Chef d’Etat Major, avant d’être enterré par les militaires avec ses habits, sans lavage mortuaire prescrit par l’islam?
Bajrafil, n’est-il pas au courant que le Commandant Faissoil, Nacer Abdourazak et une troisième personne sont morts par balles dans une autre caserne de l’armée de son cher oncle? Pourtant aucun membre de leur famille n’a appelé à la vengeance comme il le fait si l’on touche à son oncle Issouf Idjihadi.
Bajrafil a loupé une occasion de lancer un appel sincère à la paix et la réconciliation entre les comoriens. Il aurait pu s’ériger en pacificateur, unificateur, une voix de la sagesse, un trait d’union entre les différentes tendances, une sorte de Desmond Tutu à la Comorienne, il a préféré indexé qu’un seul camp et ne rien reproché à celui de son oncle.
Durant son discours il a cité en exemple les tribus de Medine qui s’entretuaient avant l’islam. Mais ce qu’il omet de préciser c’est que, si les Aws et les Khazraj ont accepté de se réconcilier et vivre en paix, c’est parce qu’ils ont trouvé chez le Prophète un dirigeant qui faisait régner la justice.
Un leader impartial qui a dit : « si Fatima la fille de Muhammad volait je lui couperais la main »
Il n’a pas dit si quelqu’un coupe la main de ma fille j’irais couper la sienne.
Je ne me permettrais jamais de donner des leçons de religion à Fundi Bajrafil, mais rappelons lui, humblement ce verset du coran qui invite les croyants à se tenir du côté de la Justice, même si c’est contre les membres de nos propres familles.
Un verset coranique si puissant, qu’il est affiché à l’entrée de la prestigieuse université américaine de Harvard School of Law :
« Ô les croyants! Observez strictement la justice et soyez des témoins véridiques comme Dieu l’ordonne, fût-ce contre vous mêmes, contre vos père et mère ou proches parents. Qu’il s’agisse d’un riche ou d’un besogneux, Dieu a priorité sur eux deux. Ne suivez donc pas les passions, afin de ne pas dévier de la Justice » sourate 4 verset 135.
Mohamed Moussa AlComorya
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