Qui est Estelle Youssouffa, nouvelle députée de Mayotte? | Al Comorya

Dans la première circonscription de Mayotte, l’ambiance était électrique. Les mahorais ont eu droit à une campagne de l’entre deux tours, à couteaux tirés, entre l’entrepreneur d’origine réunionnaise Théophane Narayanin et l’ancienne journaliste Estelle Youssouffa.

Le patron d’IBS accuse la candidate d’être une corrompue qui le rackettait depuis des années. Il affirme même, qu’avant les élections, elle a proposé de retirer sa candidature et de le soutenir en échange de 150 milles euros et un poste d’assistante parlementaire.

De son côté, Estelle Youssouffa a balancé en plein milieu d’une émission en direct à la télévision, le casier judiciaire de son adversaire révélant qu’il était impliqué dans une affaire de meurtre.

Finalement, dans ce climat délétère, c’est la militante du Collectif des Citoyens de Mayotte, qui remporte le siège parlementaire à 66% des votes, grâce notamment au report des voix des perdants du premier tour qui lui ont apporté leur soutien pour la seconde manche.

Une ambition en filigrane

Elle réussit son pari. Une ambition que l’on percevait en filigrane, déjà depuis 2018, lorsqu’elle faisait ses premiers pas dans le militantisme.

Si elle se revendique Divers droite, sans étiquette, ses idées et ses propos polémiques sont bien d’extrême-droite, si on les place sur l’échiquier politique français.

Sur des thèmes tels que l’immigration et l’insécurité, elle a des positions plus radicales que celles d’une Marine Le Pen ou d’un Zemmour. 

Pour stopper le flux migratoire en provenance des trois autres îles de l’archipel des Comores dont Mayotte fait partie, elle propose comme solution, envoyer les forces spéciales françaises sur le sol comorien pour aller bombarder les kwassas ces bateaux de pêche, utilisés par les migrants, et faire exploser toute usine qui fabrique ces bateaux.  

Le 26 juillet 2018 devant la Préfecture de Mayotte, lunettes noires vissées sur le nez, elle s’adresse à la dizaine de personnes ayant répondu à son appel à manifester.

L’objectif était d’empêcher que le préfet ne délivre des visas à des bachelières, en situation irrégulière, ayant fait leur scolarité à Mayotte, et souhaitant poursuivre leurs études universitaires dans l’hexagone.

Qu’une poignée de jeunes africaines musulmanes aient la chance de s’émanciper par l’éducation est une chose qui semble inadmissible pour Madame Youssouffa.

Mais toutes ces postures xénophobes ne sont que de la poudre aux yeux, visant à enfumer les mahorais. C’était une stratégie savamment orchestrée et qui a fonctionné à merveille.

Réseaux d’influence et think tanks

Au-delà de l’ambition, Estelle Youssouffa est une femme de réseaux, et je ne parle pas de réseaux sociaux Tiktok ou Facebook sur lesquels elle a battu campagne.

Elle est une ancienne participante du programme Young Leaders de la French-American Foundation, promotion 2011-2012.

Pour vous donner une idée de ce que représente cette organisation, voici comment la décrit Jacques Monin, le Directeur des enquêtes et de l’investigation de Radio France:

« Concrètement : depuis les années 1940, l’ambassade des Etats-Unis à Paris repère chaque année ceux qui seront les futures élites françaises. Elle mise sur elles et les invite outre-Atlantique à participer à un programme d’échanges avec les futures élites américaines. La French American Foundation a mis sur pied un programme similaire avec des fonds privés. Ces programmes ciblent les énarques, les jeunes loups de la politique, mais aussi des chefs d’entreprises et des journalistes. Parmi eux : François Hollande, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Pierre Moscovici, Emmanuel Macron, Najat Vallaud-Belkacem. »

Ce n’est pas tout. Elle a participé à un autre programme similaire d’un groupe d’influence appelé le German Marshall Fund. Elle animera une de leurs conférences appelées ‘Atlantic dialogues » organisées en partenariat avec le think tank marocain Policy Center for the New South.

En 2015 et 2021, elle est invitée à la « Word Policy Conference » par le Think Tank IFRI, Institut Français de Relations Internationales, dont le but est d’influencer les décideurs et les politiques publiques. 

Le fait que Estelle Youssouffa se lance en politique et arrive, aujourd’hui à l’Assemblée Nationale, n’est donc pas dû à un simple concours de circonstances ou au fruit du hasard. Tout, dans son parcours, la mène à cela.

Lorsqu’en 2018, j’expliquais à des amis mahorais que c’est une lobbyiste qui vise à se servir de la crise à Mayotte comme un tremplin pour accéder au parlement français, où elle pourra servir des groupes d’intérêts divers, ils m’ont traité de complotiste, m’expliquant qu’elle ne souhaite pas faire de la politique elle veut juste défendre son île.

Elle est diplômée en Relations Internationales et Sciences Politiques au Québec, mais l’idée qu’elle cache une ambition politique était saugrenue?

Chez certains le degré de naïveté est tel qu’il suffit d’enfiler un salouva et taper sur les comoriens pour s’acheter une crédibilité de défenseuse de Mayotte.

Au service de quels intérêts?

Estelle Youssouffa a mené à bien son plan, avec une certaine maestria.

Son concurrent le millionnaire Narayanin l’a accusé, d’être une corrompue au service des intérêts de la puissante Femme d’Affaires Sud-Africaine Ida Nel, qui a publiquement appelé à voter pour elle.

Si aucun élément factuel n’est en notre possession pour parler de corruption la concernant, le fait que sa candidature soit un enjeu qui pousse le milieu des affaires de l’île à prendre position pour ou contre elle, est un indicateur assez significatif sur sa personnalité et son mode de fonctionnement.

Estelle Youssoufa maitrise parfaitement le thème du développement économique, pour avoir participé et animé des dizaines de conférences sur ce sujet en Afrique et au Moyen orient.

Pourtant elle a sciemment mis de coté cet aspect si crucial pour Mayotte et a choisi de parler d’immigration, faire du populisme et de la démagogie pour être élue, les mahorais sont tombés dans le panneau.

Métisse d’une mère blanche française, son père Youssouffa Bachirou est né d’une mère mahoraise et d’un père grand comorien. Eh oui, le grand père paternel de la nouvelle députée, est un mgazidja qui travaillait pour la famille De Villèle, propriétaires du domaine de Cavani.

Désormais représentante de la nation française au Palais Bourbon, Estelle Youssouffa a deux options.

Soit elle se sert de tous les réseaux dont elle est Alumni pour faire avancer le développement économique de Mayotte.

Soit se sont ces groupes d’influence et think tanks qui se serviront d’elle pour des intérêts qui n’ont rien à voir avec l’île au lagon.

Si elle est animée par le seul appât du gain comme l’accusent ses détracteurs, à part quelques coups d’épée dans l’eau et quelques envolées lyriques contre l’immigration comorienne, lors des séances de questions au gouvernement, les mahorais risquent de ne rien obtenir.

Mais Machiavel a dit que ce n’est pas le titre qui honore l’homme mais l’homme qui honore le titre.

La fonction de députée changera t-elle la femme qu’elle est? Espérons le, pour le bien de nos frères mahorais.

Mohamed Moussa Alcomorya



Catégories :Edito & Opinions, Infos & actu, Siasa

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