Aujourd’hui ont eu lieu les premiers essais de la centrale photovoltaïque de Fumbuni, d’une capacité de 3 Mégawatts, en présence des nombreux Ministres, de l’Ambassadrice de France et la Gouverneure de l’île de Ngazidja. C’est la deuxième après celle de Pomoni à Anjouan qui produira 4 mégawatts. L’Union des Comores entame-t-elle sa transition énergétique?

Sans tomber dans ni un optimisme béat, ni une opposition systématique, il est important de saluer les initiatives allant dans le bon sens, comme l’arrivée des centrales solaires, tout en restant lucide et prudent.
En cette période de disette énergétique, durant laquelle même la capitale peut être privée d’électricité de l’aube jusqu’à 18 heures. Tous les projets visant à augmenter nos capacités de production sont les bienvenus. Est-ce là une petite lueur d’espoir après des années d’une politique énergétique chaotique? Il ne faut pas aller trop vite en besogne.
Ce projet a commencé il y a deux ans, par un accord de principe signé en novembre 2018, entre le Ministre de l’Energie Moustadroine Abdou, le Directeur de la Sonelec Abdou Said Mdahoma et l’entreprise française InnoVent.
En février 2019, un autre accord est signé entre Sonelec et InnoVent pour l’achat de l’électricité produite par cette future centrale solaire pour 26 ans. La construction devait prendre 4 mois et être opérationnelle fin 2019. Il a fallu attendre une année de plus.
InnoVent est une entreprise sérieuse avec un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, qui a fait ses preuves dans plusieurs pays d’Afrique notamment au Sénégal et en Namibie.
La centrale pourra produire jusqu’à 4 MWH qu’elle revendra à la sonelec. Selon l’entreprise, notre taux d’ensoleillement étant de 1800 heures par an, une production de 7 200 000 kwh par an est possible, ce qui aura pour conséquence une économie annuelle de 2 400 000 litres de gasoil.
Elle ambitionne de fournir 15% de la consommation électrique de toute l’île. Grâce à ses batteries, elle pourra tenir jusqu’à 3 heures de temps après le coucher du soleil, un soutien qui soulagera la Sonelec le soir, aux heures de pointe.
Il est crucial de souligner que contrairement à ce que pourrait laisser penser la présence de l’ambassadrice de France, il ne s’agit ni d’aide publique au développement, ni de don, c’est strictement du business. InnoVent est aux Comores pour faire du profit car elle est soumise aux exigences de rentabilité économique.
Avec le stockage, le projet s’élève à 4,7 millions d’euros d’investissement contrairement aux 3 millions prévus au début du projet. La société InnoVent a eu recours à un financement participatif pour récolter 1,5 millions d’euros devant financer une première partie de la centrale. Ses 900 prêteurs attendent un retour sur investissement.
Ce dernier point soulève le questionnement et les doutes quant au modèle économique choisi par le gouvernement en matière d’énergies renouvelables. Avec la multiplication des centrales, Sonelec se trouvera bientôt dans le rôle de simple distributeur avec l’obligation d’achat de toute l’énergie produite par ces diverses centrales.
Comment une entreprise publique financièrement moribonde qui survit que par les subventions de l’état, va pouvoir payer tous ces rachats d’électricité auprès du tanzanien Vigor et le français InnoVent?
A titre d’exemple au mois de février 2020, Anjouan a subi un black out complet car la sonelec était incapable de payer à la société d’hydrocarbures les 24 000 litres dont elle avait besoin. Comment fera-t-elle quand, pour assurer le mix énergétique, il faudra continuer à acheter des centaines de litres de gazoil tout en rachetant également les MWH sortant des centrales de Fumbuni, Pomoni et ailleurs?
Plutôt que de se mettre la corde au cou pour 26 longues années, n’aurait-il pas fallu que l’État comorien achète ces centrales sur fonds propres ou dans le cadre du PASEC (Projet d’Appui au Secteur de l’Energie aux Comores), tout en maintenant les techniciens étrangers, le temps de former les comoriens par un transfert de savoir-faire? Cela reviendrait moins cher que d’acheter des énièmes groupes électrogènes qui sont à la fois budgétivores et énergivores.
Le risque est que ce que nous gagneront en stabilité énergétique, nous cause une instabilité financière, d’autant que une grande partie cette production d’énergie se perdra en chemin du à la vétusté du réseau de la Sonelec.
Ce virage écologique est un pas vers la bonne direction à encourager, mais cela restera un mirage, s’il n’y a pas une approche holistique de la question énergétique, allant de la production, la distribution, le recouvrement des impayés et un plan de restructuration de la Sonelec.
Mohamed Moussa Al Comorya – Ne pas copier. Toute reproduction interdite –

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