
Le jeune journaliste Oubeidillah Mchangama, est de nouveau en prison. Il est accusé de trouble à l’ordre public, pour avoir informé les comoriens d’une possible pénurie d’hydrocarbures, lors de son point sur l’actualité du vendredi 11décembre.
Pourtant il avait pris les précautions d’usage en pareilles circonstances, sans être catégorique, se contentant d’évoquer une éventualité. Oubeid a parlé d’une « Possible pénurie de carburant à partir du lundi 14 décembre. Le bateau est attendu au plus tôt le 19 décembre. »
Pour les autorités c’est cette annonce qui a provoqué une ruée vers les produits pétroliers, comme en témoigne les longues files d’automobilistes ayant pris d’assaut les stations services de Moroni.
Mais est-ce l’information diffusée par Oubeid qui a provoqué cette ruée, ou bien celle-ci est-elle la conséquence de la raréfaction du précieux liquide, ce qui serait la preuve que les prévisions du journaliste étaient justes? C’est le paradoxe de l’œuf ou la poule.
Une chose est certaine, c’est que les déboires du journaliste avec le gouvernement ne datent pas d’aujourd’hui. Il y a 3 ans en 2017, il défrayait déjà la chronique suite à une altercation qui l’opposait au Ministre de l’Intérieur, Mohamed Daoudou.
Ce dernier n’avait pas hésité à gifler Oubeid publiquement, l’accusant d’avoir mal parlé de son père. Lorsque le journaliste, qui travaillait à l’époque pour Radio Kaz, est allé au tribunal pour déposer plainte pour coups et blessures volontaires, les policiers sont venus en nombre pour l’intimider et le faire renoncer en vain.
En 2018, son employeur Radio Kaz, a subi des pressions si importantes, au point où elle n’avait plus le droit de diffuser des émissions traitant de l’actualité.
C’est alors qu’en décembre 2018, Oubeid s’est associé avec un autre « paria » Abdallah Agwa dont la radio Labaraka-fm était également suspendue, ainsi qu’Ali Abdou Mkouboi pour créer FCBK-FM, une plateforme utilisant internet, pour contourner la censure et s’exprimer librement, puisque les ondes fm leurs étaient interdites.
Le succès est au rendez-vous, leur page atteint 75 000 abonnés. Ils deviennent les journalistes les plus populaires. Une grande audience et une influence qui inquiètent même dans les plus hautes sphères.
Conséquence, en février 2019, peu avant les élections présidentielles, Oubeid et Agwa sont envoyés en prison. ils y resteront 5 mois jusqu’en juin 2019.
En décembre de la même année, alors qu’il s’apprêtait à célébrer son mariage, le gouvernement a jeté le jeune journaliste en prison, sous des motifs fallacieux de troubles à l’ordre public alors qu’il ne faisait que son métier. Après l’avoir fait raté le jour de son union avec Amina Ali, il est relaxé sur la demande du parquet.
En janvier 2020, il fut encore arrêté en compagnie de son collègue Ali Mbae alors qu’ils se rendaient dans le washili pour couvrir un rassemblement de l’opposition. Après un week-end en garde à vue, ils sont accusés de troubles en l’ordre public.
En septembre 2020, il a, de nouveau, été mis en garde à vue pour diffusion de fausses informations parce qu’il a dénoncé des dysfonctionnements au tribunal de Moroni. Pour boucler l’année, le voilà aujourd’hui de retour en mandat de dépôt.
Cet emprisonnement intervient quelques jours après un échange houleux à la présidence avec le Ministre Msaidie qui a menacé Oubeid en des termes on ne peut plus clair: « tu veux retourner en prison? C’est moi qui t’a libéré. »
Cet acharnement sans précédent, des autorités, illustre la difficulté d’exercer le métier de journaliste aux Comores, sous ce pouvoir qui cherche constamment à museler les voix dissonantes.
Toutes ces péripéties visent un seul objectif, c’est de faire un exemple de ce journaliste rebelle pour que ses collègues s’autocensurent par peur des répercutions et se limitent à relayer le son de cloche gouvernemental sans jamais le contredire.
Avant la présidence d’Azali Assoumani, notre pays était championne de la liberté de la presse dans la région Océan Indien. Il était même devant des pays européens comme l’Italie dans le classement de « Reporters Sans Frontières ».
Avec ce gouvernement Les Comores ont perdu 12 places. Nous sommes passés de la 44e en 2016 à la 56e en 2019. Une dégringolade qui confirme le caractère liberticide et la nature répressif du régime actuel.
Oubeid Mchangama paye sa notoriété et son refus de se soumettre. Mais plus il est persécuté, plus il devient un symbole de la lutte pour la liberté d’expression dans le pays.
Mohamed Moussa Al Comorya – Ne pas copier. Toute reproduction interdite –
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