
Le conciliateur s’en est allé. Puisque « Toute âme goûtera à la mort ». Il s’en est allé. Emporté par la chauffeuse qu’il redoutait tant, mais qu’il avait fini par ne plus craindre au bout de ses 88 années passées sur terre.
Said Hassane Said Hachim était le dernier représentant d’une espèce en voie de disparition, celle des hommes d’Etat comoriens, ayant une conscience historique et une intégrité à toute épreuve.
« J’ai été 3 fois Député, 5 fois Ministre d’Etat, Gouverneur et Ambassadeur. Avec tout cela j’aurais pu être immensément riche. J’avais le choix entre l’argent et l’honneur, j’ai choisi l’honneur. »
C’est ainsi que s’exprimait le Grand Homme dont la nation comorienne pleure la disparition. Il avait en horreur la corruption qui gangrène notre pays et qui lui a inspiré cette punchline: « Mdru hufa ha ghafla sha kapvwadjaheya utadjiri wa ghafla ». « On peut mourir soudainement, mais il n’existe pas d’enrichissement soudain ».
Sa personnalité était l’incarnation du Comorien avec un un grand C, dans toute sa complexité. Bon vivant, il a croqué la vie à plein dents, tout en étant profondément religieux.
Il est était pour le progrès social, tout en restant un conservateur attaché aux us et coutumes. Il était ouvert sur le monde, tout en gardant un amour charnel pour sa terre, son terroir, son shamba où poussent des cultures vivrières.
Mais avant tout il était un grand patriote qui avait une certaine idée des Comores. Il s’était donné pour mission jusqu’à son dernier souffle, d’unir et réconcilier les Comoriens. Dans une lettre ouverte en Août 2019, il écrivait : »Ma détresse est immense quand je vois dans ce peuple que j’aime, apparaître les germes de la division et de la haine ».
Said Hassane Said Hachim était un médiateur, un conciliateur. Il insistait sur la réconciliation nationale. » Il n’y a pas de honte à demander pardon » répétait-il.
Lorsqu’ Azali a voulu solliciter le soutien de Sambi pour la présidentielle de 2016, il n’a trouvé personne de plus digne que lui pour accomplir cette mission.
Il était l’un des rares politiciens à avoir côtoyé toute l’élite politique des années 50 jusqu’à nos jours. Lui qui a baigné dans la matrice idéologique des Pères Fondateurs et a participé à notre libération du joug colonial a dit :
« Cette indépendance, objet ultime de notre combat de l’époque, n’avait nullement pour finalité de placer le Peuple comorien sous le joug de l’injustice et de l’arbitraire, mais bien au contraire, de l’émanciper et lui donner sa dignité. »
Signe de son statut de rassembleur, tout l’archipel est triste au-delà des divergences politiques. A la mosquée du vendredi de Moroni, l’ancien gouverneur de Ngazidja Mouigni Baraka était côte à côte avec le gouverneur d’Anjouan Anissi.
Tandis que de Mayotte Mansour Kamardine a exprimé ses condoléances et rendu hommage à celui qui l’avait accueilli personnellement chez lui, lors d’une visite à Ngazidja.
La meilleure manière de célébrer sa mémoire, c’est d’appliquer ces recommandations. Un des plus précieux héritages qu’il nous lègue, ce sont les notions de courtoisie et d’élégance républicaines, des valeurs qui manquent tant dans la classe politique de nos jours.
« O toi âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée. Entre donc parmi Mes serviteurs et entre dans Mon Paradis » (sourate Al fajr).
Mohamed Moussa Al Comorya – Ne pas copier. Toute reproduction interdite –
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