
Une délégation en provenance des Emirats Arabes Unis, a été reçue au palais présidentiel de Beit Salam, le lundi 13 juillet 2020. A l’issue de cette rencontre avec le Chef de l’Etat comorien, Azali Assoumani, Le Docteur Ahmed Bin Mohammed Al-Jarwan a parlé de discussions importantes concernant les domaines de la Santé et la Sécurité.
Ces dernières années, Les Emirats Arabes Unis affichent leur volonté de s’affirmer comme un allié indispensable, du régime actuellement au pouvoir à Moroni. Pour se faire, le richissime pays du golfe persique a recours à la bonne vieille méthode de la diplomatie du chéquier.
Le 24 juin 2018, son Ministre des Affaires étrangères Abdallah ben Zayed Al Nahyane visite les Comores. En janvier 2019, c’est au tour du Ministre de l’Energie et de l’Industrie, Suhaïl AL MAZROUI, de se rendre dans nos îles, avec à la clé, la signature d’un accord de 50 millions de dollars.
A la fin de cette même année 2019, les EAU ont annoncé la coquette somme de 300 millions de dollars d’investissements lors de la conférence des partenaires au développement.
Toujours en 2019, au mois de Mai, Azali Assoumani a séjourné une semaine à Abu Dhabi, il y a rencontré l’Homme Fort de cette nation Mohamed Ben Zayed « MBZ ».
Abou Dhabi fait preuves de grandes largesses. 10 millions de dollars offerts suite au passage du cyclone Kenneth. 8 millions d’euros pour équiper en moteurs les centrales électriques d’Istambuni à Moroni et Tenani à Anjouan. 50 millions de dollars pour une centrale solaire dans le Washili.
C’est un soutien financier massif à la hauteur des ambitions stratégiques des Emirats dans notre pays. Car ce flux de millions est loin d’être désintéressé. Depuis le 7 juin 2017, date à laquelle l’Union des Comores a rompu ses relations avec le Qatar, le pays a basculé dans le giron de l’alliance des emiratis et des saoudiens.
Dès lors, Abou Dhabi ne cesse de renforcer son gain diplomatique dans l’archipel, où le virage autoritaire d’ Azali Assoumani, épouse parfaitement la doctrine de Mohamed Ben Zyed, visant à étouffer toute aspiration démocratique dans le monde arabo-musulman, et miser sur la stabilité au détriment de la liberté.

Car sur la scène internationale, les Emirats veulent devenir un acteur majeur qui étend sa zone d’influence. Son rôle dans la guerre du Yemen en témoigne. Les EAU sont le quatrième pays importateur d’armes au monde, à tel point que l’ancien Secrétaire d’Etat américain James Mattis l’a surnommé « La petite Sparte ».
MBZ qui est le mentor du saoudien MBS a une ligne claire. Il veut lutter contre toute forme de démocratisation et soutenir des régimes tenus par des Hommes Forts, de préférence issue de l’armée comme lui-même.
En Egypte, il soutient le Maréchal Al Sisi qui a fait un putsch contre Mosri, le premier président élu démocratiquement. En Libye, il appuie le Maréchal Haftar. Lorsque les soudanais sont descendus dans la rue pour réclamer la démocratie, il a soutenu le coup d’état de l’armée et leur a promis 3 milliards d’aides pour le Soudan.
Aux Comores, un Colonel comme Azali Assoumani, qui ne tolère pas la moindre contestation démocratique, a le profil idéal qui lui vaut d’être, aujourd’hui, dans les petits papiers des Emiratis.
Il faut savoir que selon la Banque Centrale des Comores, en termes d’importations, « les Emirats Arabes Unis restent les principaux fournisseurs des Comores grâce à leur approvisionnement en produits pétroliers, avec une part de 41% en 2018 ». Un pays qui représente quasiment la moitié de nos importations est forcément un allié stratégique que tous les acteurs politiques comoriens doivent prendre en compte dans leur équation.
Les EAU sont une épée à double tranchant, avec une soft power économique incarné par Dubai, qui ne peut être que séduisant et un militarisme hégémonique représenté par Abou Dhabi, qui ne peut être qu’effrayant, lorsque l’on voit les conséquences de sa guerre au Yemen.
Au-delà des tendances, la classe politique comorienne doit réfléchir à la posture à adopter face à cette offensive diplomatique, économique et militaire des émiratis dans notre pays qui aura nécessairement des conséquences à moyen et long terme.
Nous devons garder en tête qu’il est primordial que nous ayons une autonomie stratégique, pour éviter que notre archipel ne devienne le théâtre des guerres par procuration des pays du Golfe.
La relation entre les Comores et les Emirats, doit dépasser les clivages politiques. Nos amis emiratis ont soutenu l’état comorien bien avant l’arrivée d’Azali Assoumani au pouvoir. Lors de la crise sanitaire du covid-19, on a tous pu constater les bienfaits de cette coopération, puisque le bloc chirurgical d’El Maarouf et l’Hôpital de Samba Nkuni où étaient reçu les contaminés ont tous deux été construits par les Emirats Arabes Unis, et cela bien avant Azali.
Sans oublier le programme de Citoyenneté économique qui a vu des milliers d’émiratis obtenir la nationalité comorienne, du moins sur les papiers. Les destins des deux pays sont désormais liés.
C’est à nous comoriens d’assainir ces liens. Nous devons encourager cette relation avec ce précieux allié, tout en prenant garde à ne pas tomber dans la vassalité et la subordination. Il n’est pas de l’intérêt des Emirats d’être perçus comme soutenant certains comoriens contre d’autres, ce grand pays doit rester l’ami du peuple comorien dans son entièreté.
Le gouvernement actuel devrait méditer sur la manière dont les Emirats ont abandonné l’ancien Président Sambi, malgré que celui-ci, leur ait rendu service par ce programme de citoyenneté qui a causé sa perte. C’est la preuve que les Etats n’ont pas d’amis mais des intérêts. Le régime Azali aurait tort de croire que le soutien d’Abou Dhabi est indéfectible.
Mohamed Moussa » Al Comorya ».
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