Leçons tirées de la grève des commerçants

Après trois jours de mobilisation contre la hausse des tarifs douaniers, le matraquage fiscal, les tracasseries administratives, l’arrogance et le mépris des autorités,  l’heure est aux négociations pour les entrepreneurs Comoriens regroupés sous le collectif syndical « Anti hausse ». 

Le ministre de l’économie Houmed Msaidie qui était en retrait jusqu’à lors, semble reprendre la main, pour tenter de rectifier le tir après les errements stratégiques du ministre des finances Saïd Ali Chayhane qui avait organisé des pourparlers uniquement avec le syndicat patronal pro-gouvernement Modec, une inutile petite causette entre amis, totalement déconnectée de la réalité, puisque cette organisation n’était pas à l’initiative de la grève. 

Prenant un autre chemin, Msaidie a établi le dialogue directement avec les principaux protagonistes, le syndicat national des commerçants « SYNACO » et la nouvelle Opaco qu’il a reçu hier.  Le ministre et porte-parole du gouvernement doit tenter de calmer la colère exprimée avec beaucoup de dignité par le secteur privé. 

Le collectif a publié une résolution, énumérant ses revendications: Coût du fret, taxes douanières,  commande publique excluant systématiquement les entreprises nationales, concertation du secteur privé dans l’élaboration de la loi de finance, statut d’entrepreneur pour les vendeurs ambulants, clarification des taxes prélevées par la mairie de Moroni sur les marchés, la levée des limitations d’importation imposées aux pharmaciens et protection du consommateur. 

Un gouvernement désemparé

Jamais depuis 2016, l’exécutif n’a semblé aussi impuissant que lors de ces trois jours du mouvement social. Le régime habitué a tout résoudre par l’usage de la force, avait l’air désemparé. Comment contrer et discréditer un mouvement pacifique, apolitique, n’ayant  aucune revendication partisane? 

On a vu une liste des magasins réquisitionnés illégalement sur laquelle figurait les débits de boissons alcoolisées mais ne mentionnant aucune pharmacie pourtant vitale à la population. On a assisté à l’arrestation de Mohamed Keldi, un homme respectable sous tous les angles. On a entendu les menaces du ministre de l’intérieur: « Eyabaya habaya » « celui qui a fermé, a fermé définitivement ». Tout cela donnait l’impression d’un gouvernement dans l’improvisation et l’amateurisme. 

Les marchands de rêves qui crient urbi et orbi, que les Comores sont sur la voie de l’émergence économique,  se sont retrouvés face à la dure réalité du terrain, qu’ils ont du mal à voir depuis leur tour d’ivoire. Le secteur privé qui est le plus gros employeur du pays, l’un de ses principaux moteurs de croissance , est au bord du gouffre et remet en question les orientations économiques du gouvernement. Loin d’assister à un boom , des centaines d’entrepreneurs ont mis la clé sous la porte sous la présidence Azali dans l’indifférence générale. 

L’exécutif affirme sans cesse que les jeunes doivent s’orienter vers le privé car la fonction publique ne peut pas accueillir tout le monde, mais en même temps il prend des dispositions qui découragent ceux qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat. 

Depuis son accession à la magistrature suprême en 2016,  Azali Assoumani n’a fait qu’éradiquer ses concurrents, tout en négligeant le social, l’économie, l’éducation et la santé. La crise du secteur privé est révélatrice d’un malaise social plus profond. Le fait que le mouvement fut si suivi est un message fort adressé au gouvernement, les Comoriens ne sont pas satisfaits par la politique que vous menez ces quarte dernières années. 

Une opposition à la ramasse

La grève des commerçants était une formidable occasion pour l’opposition de s’engouffrer dans la brèche et  redorer son blason. Elle est complètement inaudible. Le président du CNT Mouigni Baraka, avait devant lui une aubaine. La providence a rassemblé tous ses sujets de prédilections dans cette crise. Il est un ancien douanier qui maîtrise mieux que quiconque au sein du gouvernement actuel, toutes les facettes des taxes douanières.

Mouigni Baraka a été formé durant deux ans à l’école nationale des douanes du Sénégal. Il a ensuite suivi une formation d’inspecteur des douanes pendant deux ans à l’ENA de Cote d’Ivoire. De 1996 à 2010 Il a travaillé 15 ans durant, au sein de la douane Comorienne, gravissant les échelons jusquà devenir receveur des douanes. 

 Avec un tel bagage, Il pouvait donner un cour magistral à Azali Assoumani, dans ce domaine. Il pouvait proposer au nom du CNT une autre politique douanière. Pourtant il s’est muré dans un silence aussi assourdissant qu’incompréhensible. D’autant plus qu’il est lui-même entrepreneur.   

L’opposition compte parmi ses rangs un autre connaisseur en la matière Hassani Hamadi. Détenteur d’un DESS en économie obtenu à Paris et qui fut ministre des finances et ministre de l’économie. Au lieu de démontrer son expertise en proposant des solutions alternatives qui permettraient aux Comoriens de croire qu’ils feront mieux qu’Azali, s’ils accèdent au pouvoir, l’ancien gouverneur s’est contenté de platitudes lors d’une déclaration aux cotés de Larifou et Tocha.

Seule la société civile semble incarner l’espérance dans ce pays.



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