Le choix de la notabilité de Djumwashongo de bannir et condamner à 5000 euros d’amende toute personne qui se mariera avec un non-Comorien, est symptomatique des maux profonds qui rongent la société Comorienne, tout particulièrement l’île de Ngazidja.
L’Etat dans l’Etat
Cette affaire est également révélatrice d’une menace grave qui pèse sur l’état Comorien,à savoir, la place prépondérante qu’occupe le pouvoir coutumier. En dehors de quelques grandes villes, la République est totalement absente. La construction de l’état-nation Comorien, est un chantier inachevé, laissé à l’abandon par les gouvernements successifs.
A la faveur de ce vide, l’autorité coutumière se comporte comme un état dans l’état. Les notables se permettent de prélever des taxes sur les mariages, imposer des amendes ou des peines de bannissement à des familles entières, pour expier la faute d’une seule personne. Pourtant la constitution de 2018 dispose dans son article 22 que : « Tous les citoyens jouissent du droit à la liberté et à la sécurité. Nul ne peut être privé de sa liberté en totalité ou en partie, qu’en vertu de la loi ou d’une décision de justice. »
Dans la majeure partie du territoire national, le droit positif est inexistant. Les seuls règles de droit effectivement en vigueur, sont ceux du droit coutumier. Comment dans une république moderne, le pouvoir coutumier peut-il s’ériger ainsi, en instance décisionnelle qui prend des mesures affectant la vie quotidienne des citoyens, alors, qu’aucune disposition constitutionnelle ne lui confère une existence légale? Aucune délégation de compétence ou de service ne lui a été accordé par l’Etat.
Si Azali Assoumani et son gouvernement s’inquiète d’un supposé gouvernement parallèle, ce n’est pas vers le « Conseil National de Transition » qu’il faut regarder mais plutôt vers la notabilité. La puissance publique doit faire comprendre à tous, qu’il n’y a qu’une seule loi, celle de la République. Mais pour cela, il faut au préalable mettre fin au pluralisme juridique (droit positif, droit coutumier, droit musulman). Il est urgent que ce chevauchement cesse.
Malheureusement, le gouvernement actuel n’a démontré aucune appétence à s’attaquer aux sujets de fond telle que la réforme de la justice, ou doter la notabilité d’un statut qui permet de limiter son champs d’activité, tel que l’avait suggéré Hamidou karihila dans son programme électoral.
Conflit générationnel et racisme ordinaire
Si la décision de Djumwashongo, malgré son caractère foncièrement raciste, n’horripile pas outre mesure, l’establishment Comorien. Elle scandalise, les premiers concernés, la jeunesse franco-comorienne qui a pris d’assaut les réseaux sociaux, twitter et snapchat pour exprimer son désarroi, face à cette mentalité rétrograde.
Sur le compte snapchat communautaire Massiwa_269, le débat était passionné. Des Comoriennes ont lancé le #banniechallange en postant des photos sur lesquelles elles s’affichent fièrement aux bras de leurs maris non-Comoriens.
Des jeunes nés en France pour la plupart, ne comprennent pas que des pratiques médiévales comme le bannissement soient toujours à l’ordre du jour au 21ème siècle.
Cette mesure est surtout insultante, pour les milliers de métisses Comoriens, issue de mariages mixtes et qui sont fiers de leur héritage culturel et le préservent parfois mieux que ceux nés d’un couple 100% Comoriens.
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